Les Images-passages de Thibault Brunet et Jean-François Rauzier

Brunet et Rauzier, les explorateurs du nouveau monde

Thibault Brunet et Jean-François Rauzier, deux photographes plasticiens qui naviguent entre mondes réel et virtuels, deux artistes contemporains français, pas des super-stars, mais dont je trouve le travail ô combien fascinant. Je les montre à mes élèves, ils accrochent à chaque fois, et pour cause…

Commençons par Thibault Brunet, le plus jeune. Un des ses projets s’intitule « Landscape » (2009-2011), une série de photographies en noir et blanc, visiblement des clichés dans la tradition des reportages de guerre. On y voit des paysages donc, désolés, pas âme qui vive, des murs délabrés impactés de balles, un panache de fumée qui s’élève au loin vers le ciel, des palmiers comme pour nous situer, probablement une région du Moyen-Orient, Irak ? Sur un mur l’inscription « USA GO HOME ». Clairement, ça n’a pas rigolé ici.

brunet

Le jour du vernissage, on lui tape sur l’épaule, « du beau boulot », « vous avez du courage, bravo ».

On imagine bien l’artiste à ce moment, un sourire s’esquissant sur son visage, un de ces sourires de sale gosse satisfait du mauvais tour qu’il vient de jouer. Et s’il sourit le bougre, c’est que ces photos, il les a tout bonnement prises de son salon, tranquillou. Comment ? Me demanderez-vous. Ben je vais vous le dire tout de suite. Ce sont des captures du jeu vidéo Call Of Duty.

Et Thibault Brunet, affalé sur son canap’ de nous interroger sur la véracité des images (et des informations) d’aujourd’hui, un « enjeu » on ne peut plus contemporain. Vous comprenez mieux maintenant pourquoi cela plaît à mes élèves.

Dans une autre série (réalisée en simultané), Brunet ne nous prend pas par surprise cette fois puisqu’il annonce la couleur dès le titre « VICE CITY » (2007-2013). Oui on est bien dans GTA, optant même pour un format carré qui n’est pas sans évoquer le Pixel.

Là encore une série de paysages vides de vie, vides de joueurs (et de PNJ) devrais-je dire.

Pour ce projet l’artiste a voulu pleinement assumer son métier de photographe, dans un monde virtuel certes mais il s’est tout de même confronté aux problématiques propres à son art, à savoir le cadrage, la composition, la lumière. Il a délibérément délaissé les endroits de la map trop fréquentés, s’est intéressé aux lieux sur lesquels jamais les autres ne daignent jeter leur regard puisque éloignés de missions à effectuer.

Il se poste là, attend le moment idéal, la lumière adéquate, les conditions climatiques, souvent de la brume (ou de la pollution?) qui pourraient sublimer le lieu.

Et il met un point d’honneur à noter sous chaque image, la date et l’heure de la prise de vue.

Thibault Brunet, 11-01-2013-17h02, série Vice city, 2007-13, courtesy Galerie Binome
édition de 5 (+2EA) – 20×20 cm, encadrement 50×40 cm
tirage jet d’encre sur papier Hahnemühle Fine art Harman
encadrement blanc, verre anti-reflet

Dans son dernier et actuel projet, là encore Brunet s’inscrit dans une grande tradition, celle des expéditions menées par les plus fameux explorateurs……. mais dans Minecraft. Pour ce projet intitulé donc fort logiquement « Minecraft Explorer » il s’entoure comme ses illustres ancêtres, de scientifiques très sérieux issus du CNRS, de l’IGN ou encore de l ‘INRA … et d’un garde du corps pour les protéger des créatures mal intentionnées.

Ce dernier travail me paraît plus décevant (pour l’instant) que les précédents tant la promesse était belle, tant cela faisait rêver : mener une expédition dans un monde quasi infini et donc inexploré où le danger rôde. Malheureusement les sessions sont trop courtes là où on aurait aimé les voir s’étirer sur des heures, des jours, des mois ? Jusqu’à atteindre sinon les limites de la carte, celles de la raison comme ces grands noms qui ont perdu la vie ou sont devenus fous dans leur quête. Oui, je suis sans doute là trop exigeant.

Mais ce n’est pas que ça, le rôle de l’artiste est ici trop limité, presque effacé. On aurait aimé une implication plus grande. Reste maintenant à savoir quel matériau il va en tirer, sous quelle forme. Un journal de bord ? Une carte ?

C’est pourquoi je garde tout de même l’espoir de voir ce travail magnifié.

Bon vent Mr. Brunet !

Je serai plus bref avec Jean-François Rauzier pour une bonne raison, c’est que son œuvre est essentiellement issue d’un même concept : l’Hyperphotographie.

Quézaco ? C’est assez simple, Rauzier nous présente des photographies qui sont en fait composées de centaines voire des milliers de photographies. Hyper ludiques tout le temps, carrément vertigineuses parfois. On peut s’y plonger, zoomer en partant d’un immense panoramique abstrait jusqu’à quelques centimètres carrés de mur ou autre trottoir. Vous pourrez à loisir flâner pendant de longues minutes dans une photo de ville comme celle de New-York, « City Never Sleeps ».

« En vrai » l’oeuvre mesure 1km de long et rassemble 80000 clichés ! Mais elle est pleinement appréciable sur le net où l’on peut jouer les apprentis détectives comme dans les vieux films et fouiller dans l’image, agrandir à l’envi un détail qui attire l’oeil, trouver une célébrité, un artiste comme il y en a des dizaines, cachés de ci de là dans l’image. Ah tiens, David Lynch assis en tailleur devant le Philarmonic ! Oh et là, Jarmush sur un petit balcon. Je vous l’ai dit : Hyper-Ludique. Mettez au défi un pote de trouver quelqu’un que vous aurez repéré auparavant…. ou pas..

Voici les liens. Bon vent à vous :

www.hyper-photo.com/ballades/ny-filli/index.html#!startscene=image

Projets | Project Categories | Jean-Francois Rauzier (rauzier-hyperphoto.com)

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