Cela ne vous aura pas échappé, Arno, le magnifique Arno, nous a quittés, il y a presque un mois.
Très franchement, ça m’a mis un coup d’apprendre sa mort. Un sentiment malheureusement familier, ressenti notamment avec Lou Reed et David Bowie. Encore une fois, le rock a perdu l’un de ses membres les plus éminents. Sauf qu’Arno, à la différence des deux mastodontes, on se sent proche de lui.
Jadis, adolescent, muni de mon modem Cegetel, j’ai découvert YouTube. Rendez-vous compte, toutes ces vidéos et donc toutes ces chansons à portée de clics. Bon vous voyez le truc, on a l’infini dans la main mais on se contente de regarder la même vidéo, encore et encore. Moi c’était celle-ci :
J’avais l’impression d’avoir la meilleure version de la meilleure chanson qui existait. Alors bien sûr on revient sur ses jugements adolescents en grandissant. Mais quand même. Grâce à Arno, j’ai compris qu’il y avait un truc d’incroyablement intense chez les Stones. Plus que ça d’ailleurs, j’ai compris que la musique pouvait être la vectrice d’émotions extraordinaires. J’avais beaucoup entendu parler du trio Brel, Brassens, Ferré. Mais à cette époque je découvrais et comprenais que ma sainte trinité francophone à moi c’était Bashung, Gainsbourg et Arno.
Après l’adolescence est venue la vie universitaire. Toulouse, le Bikini, tant de nouvelles perspectives. Et notamment le premier concert tout seul, celui après lequel on se sent un peu différent. C’était encore Arno. J’ai découvert « Elle pense quand elle danse » en live. Ce serait un euphémisme de vous dire que c’était sublime. Pour vous situer la chose, le dandy belge arrive sur scène, raconte qu’il vient de manger une grosse entrecôte – moi j’avais surtout l’impression qu’il y avait eu pléthore de quilles de rouquin pour agrémenter le repas – il se met à chanter et d’un coup l’atmosphère de la salle a complètement changé. C’était comme s’il avait appuyait sur l’interrupteur de nos émotions. Chaque chanson était chantée avec une intensité prodigieuse. Arno était un interprète magnifique.
Arno, c’était donc ce chouette mec qui chantait « Putain, putain », ce rocker qui faisait la plus belle chansons sur les mamans (excusez du peu), celui avec qui on avait envie de boire une Chouffe après un concert. Celui, enfin, dont on espérait naïvement qu’il soit immortel.