« Ode à la vie / Ode à la poésie / Ode à la parodie »
Et si Bashung avait défini sa conception de la chanson dans ces quelques mots de Fantaisie militaire ? Le jeune Bashung « toujours sur la ligne blanche » n’est définitivement pas le même que celui période Bleu pétrole. La folie fin 70s a laissé place à un propos plus mature, plus sérieux aussi, en ce début de millénaire. Ode à la vie donc, celle qu’on étreint à bras le corps bien qu’elle nous fasse morfler, celle dont on s’aperçoit qu’elle n’était pas si mal quand la fin advient, celle surtout qu’on a chantée parce qu’après tout chacun sa catharsis.
Chanter la (sa ?) vie, cela ne peut se faire qu’en poésie. À l’orée de sa collaboration avec Gainsbourg, Bashung déclarait « rêver d’être à la fois les Doors et Rimbaud ». La figure rimbaldienne est d’ailleurs présente à bien des égards. On retrouve cette volonté farouche « d’être absolument moderne » ou encore ce sens de la répartie pour répondre aux interrogations portant sur le sens des textes. Parce que non, « ça ne veut pas rien dire ».
Parodier, Bashung et ses paroliers l’ont fait un paquet de fois. Il faut ici voir la parodie comme une plaisanterie, celle mise en valeur par le travail du texte. Les jeux de mots faciles (« Guru, tu es mon führer de vivre ») cachent un certain sérieux. L’humour n’est pas là pour faire rire parce que l’ironie n’est jamais loin. On peut se moquer de tout mais à condition d’y mettre la forme.
Concevoir le rock français, mais à plusieurs
Pour Bashung, faire de la musique c’est intégrer un ensemble. La perspective de créer seul n’a pas le moindre intérêt. Paroliers, ingénieurs du sons, musiciens, tous apportent leur pierre à l’édifice. Il y avait quelque chose de vampirique chez Bashung dans cette capacité à puiser le meilleur chez chacun. Il savait exactement comment faire sonner une chanson en condensant le travail de chaque collaborateur. Si Manset lui a attribué le titre de « meilleur interprète que le rock ait eu en France », c’est pour rendre justice à cette capacité de faire sonner les mots comme personne dans la langue de Fauque et Bergman.
L’œuvre de Bashung est à prendre dans son ensemble. Chaque album est un prolongement du précédent tout en créant une rupture plus ou moins franche. Il serait injuste de ne mettre en valeur qu’une partie de son travail. Toutefois, la version de « Comme un Lego » qui ouvre l’ultime tournée illustre à merveille ses qualités d’interprète. Qui plus est, la dimension métaphysique du texte (pour être dans le thème) donne des allures de testament. Comme si le moment était venu de prendre son baluchon et de quitter ce grand terrain de nulle part.