Il fut un temps où les albums dépassaient allègrement les 40 minutes, nous offrant des voyages sonores immersifs, des transitions soignées et même des interludes qui avaient du sens. Aujourd’hui, un disque de plus de 40 minutes est presque une anomalie. Alors, pourquoi cette tendance à raccourcir les albums ?
L’impact du streaming : un formatage imposé
Spotify, Apple Music et consorts ont changé la donne. Avant, un album était pensé comme un tout, avec une montée en puissance, des respirations, une fin travaillée. Aujourd’hui, c’est la dictature du skip. Les artistes doivent capter l’attention immédiatement, sous peine d’être zappés en trois secondes (j’avoue ça m’arrive aussi). Un album trop long, c’est prendre le risque de lasser et de perdre l’auditeur en cours de route.
Les plateformes rémunèrent au stream, pas au temps d’écoute. Résultat ? Plutôt que de sortir un album long, beaucoup d’artistes préfèrent publier des projets plus courts, même seulement des singles et enchaîner les sorties pour maintenir l’intérêt.
La culture du single et de l’instantanéité
Avec TikTok et les playlists éditoriales, la musique se consomme comme des petites rondelles de saucisson à l’apéro. Un album de 12 titres bien ficelé est parfois jugé moins pertinent qu’un EP de 6 morceaux ultra efficaces. Certains artistes misent même sur des titres de moins de 3 minutes pour maximiser les écoutes et s’adapter aux algorithmes.
Autre phénomène : le retour des « deluxe editions » avec des morceaux ajoutés après la sortie initiale. Plutôt que de tout balancer d’un coup, on fait durer le plaisir en distillant les morceaux, une manière d’exister plus longtemps sur les radars des auditeurs.
Un changement dans la création musicale ?
Le format album tel qu’on l’a connu a évolué. Dans les années 70-90, on construisait des œuvres denses, avec des morceaux parfois longs et expérimentaux. Aujourd’hui, la logique est plus fragmentée. Il faut plaire vite, donc on va droit au but.
Mais attention, certains résistent encore et toujours à l’envahisseur du formatage. Des artistes comme King Gizzard & The Lizard Wizard ou Sault sortent des albums généreux, parfois fleuves, défiant les tendances. Le public du vinyle, en plein essor, pousse aussi à des albums plus construits, pensés pour une écoute immersive.
Alors, les albums de plus de 40 minutes sont-ils morts ? Pas totalement. Mais ils sont devenus une exception plutôt qu’une norme. Peut-être que dans quelques années, à force d’être gavés d’albums courts et formatés, on redemandera ces longues épopées sonores qui nous faisaient vibrer.