Dans ce texte datant de deux mille neuf, le papa de L’Anomalie, qui a obtenu la plus haute distinction du milieu il y a deux ans, mêle les destins de six hommes et femmes pendant un fameux automne « le plus chaud depuis cinq siècles ».
Chaud, oui, puisque tout au long de ces deux cent et quelques pages que l’on bouquine sans aucune pause, des liaisons naissent ou s’annihilent, des unions se font et se défont, des couples se nouent tandis que des idylles finissent, des femmes cueillent des amants et des hommes quittent des épouses, le tout dans une langue et un style qui, osons-le, s’accouplent passionnément eux aussi.
Sont ainsi dépeints dans un langage flamboyant et magnifique le démon de midi, les feux de la passion, et le jeu de la séduction.
Cela nous eût contenté déjà amplement, tant la langue est léchée ; mais il y a mieux. À ceux qui comme moi, moins séduits, moins tentés, ou tout simplement moins sensibles au thème de la passion, ne se lancent habituellement pas dans ce type de bouquins, il y ajoute un deuxième étage de satisfaction possible, cette fois-ci au plan de la composition.
Il conçoit ainsi un texte éminemment oulipiste, dans lequel sont glissés une multitude de défis amusants : allocution de salle d’audience, Ted Talk, compilation de pensées liées à un thème choisi (soixante-dix-huit exactement), pages en deux colonnes (deux angles opposés, se lisant simultanément !), collection d’instants passés aux côtés d’une femme, liste de shopping, mais aussi hommage, pastiche, poème … soit autant de challenges de plume qui sont nimbés de succès.
Ultime exploit – last, but not least – il nous initie au jeu des dominos Abkhazes. Un détail que j’ai beaucoup aimé. Mais chut, je n’en dis pas plus.
Et c’est là tout le talent du génial oulipien, ou tout le génie du talentueux coopté de l’Oulipo, qui, sous un aspect assez simple au début, tisse habilement sa toile en un immense jeu textuel, tout en nous délectant de sa poésie de l’affection.
Un must que je conseille chaudement.
Amis bibliophiles, jetez-y donc un coup d’œil, et dites-moi si je m’abuse.
Puis, lisez une deuxième fois ce billet, qui a été intentionnellement composé en usant d’un alphabet diminué de deux unités, les consonnes R et V.
Tiens, un peu comme si RV était absent d’un texte hommage à Le Tellier.
*****
Hervé Le Tellier, Assez parlé d’amour, 2009, éd. Lattes, 280 pages.
(Allez l’acheter chez votre libraire du village. Et s’il n’y a plus de librairie, c’est simple : ouvrez-en une.)