Tremblements #I

Cinq heures du matin, je suis encore sur la route. Le compteur défile à toute allure, je ne pourrais pas continuer plus loin, il faudra que je m’arrête. Cela fait plus de trois heures que je suis partie, toujours à la même vitesse, sans jamais m’arrêter. Mon paquet de clopes presque vide, mon réservoir d’essence à sec, et une furieuse envie de tomber dans les bras de Morphée sont trois signes qui me forcent à mettre mon clignotant, direction l’aire d’autoroute. Personne. Je fais le plein. Toujours personne. Au guichet, le petit jeune a même pas l’âge d’être au lycée. Il prend mes liasses de billet, il n’est pas payé pour être poli. Un peu de monnaie, de quoi payer mon café et mes clopes.

La cafétéria miteuse vient juste d’ouvrir, la grosse serveuse qui transpire déjà met les croissants dans la vitrine. Je lui prends un paquet de Lucky, un café bien corsé. Le liquide est chaud et dégueu, il me tord les boyaux comme le Beaujolais nouveau. Mais c’est bien. Avec la douleur, la faim et la fatigue, pas le temps de penser. Juste le temps de fuir.

Il est cinq heures trente. A cette heure-ci, il a déjà dû mourir.

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