Vertigo, la découverte philharmonique

Un dimanche après-midi de février, j’ai abandonné la sérénité d’un combo Netflix and chips pour découvrir Sueurs froides (en VF) ou Vertigo (en VO) d’Alfred Hitchcock. Le contexte de cette découverte est important puisque la projection avait lieu à la Philharmonie de Paris, en ciné-concert. Autrement dit, la bande originale composée par Bernard Herrmann était jouée par un véritable orchestre dirigé par Ernst Van Tiel.

Si vous ne connaissez rien d’Alfred Hitchcock, sachez déjà qu’il n’a rien à voir avec le majordome de Bruce Wayne. Considéré comme un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma, il s’est imposé comme le maître du suspense, le roi des caméos et l’homme qui préfère les blondes. Hitch’ compte 57 longs métrages à son palmarès. Mon palmarès personnel des films d’Hitchcock est beaucoup plus réduit. Avant Vertigo, je n’avais vu que Fenêtre sur cour, la Mort aux trousses et des bribes des Oiseaux, qui m’avait d’ailleurs filé une trouille bleue ado. Depuis, je me suis aussi faite spoilée Psychose mais bon, je finirai surement par le voir un jour.

James Stewart

Vestiges de l’amour

Vertigo sorti en 1958 est une adaptation d’un roman français intitulé « D’entre les morts« . Le vertige est le mal qui ronge Scottie, policier incarné par James Stewart. Le film s’ouvre sur une course-poursuite à l’occasion de laquelle un de ses collègues meurt en le sauvant lui-même d’une chute mortelle. Le sentiment de culpabilité ressenti par Scottie depuis cette tragédie constitue le noeud de l’intrigue qui va suivre.

Rangé de sa vie de détective, Scottie mène une vie paisible quoiqu’un peu terne. Il ne fréquente qu’une ex-compagne, devenue son amie qui vit dans un appartement avec une vue impressionnante sur San Francisco. Jusqu’au jour où un ancien camarade d’études le contacte afin de le mandater d’une bien curieuse mission. Il souhaite en effet que Scottie suive sa femme qu’il soupçonne de devenir folle et d’être dangereuse pour elle-même. Notre fringant héros finit par accepter et ne tarde pas à croiser Madeleine, incarnée par Kim Novak, puis à la surveiller quotidiennement. S’en suivent une série de péripéties qui provoquent finalement un rapprochement des deux protagonistes qui finissent par tomber amoureux l’un de l’autre. Evidemment.

Kim Novak dans Vertigo

 

Infernale spirale

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Or il s’agit d’un Hitchcock, et de l’un des meilleurs donc ce qui suit est loin d’être calme et serein. La relation qui se noue entre les deux protagonistes n’efface pas le curieux mal qui ronge Madeleine. Celle-ci est toujours hantée par son ancêtre Carlotta et insiste pour se rendre à l’ancienne mission catholique que son ailleule fréquentait. A cette occasion, une nouvelle tragédie se produit et de nouveaux vertiges saisissent Scottie. Je vous laisse le soin de découvrir par vous-même le reste de l’intrigue. No spoiler bien entendu.

Le suspense est bel et bien au rendez-vous ainsi que l’ambiguïté. En effet, peu de personnages m’ont tant perturbé que le couple Scottie / Madeleine. Sympathiques au premier abord, ils se révèlent au fil du film manipulateurs, obsessionnels voire même antipathiques. Sans toutefois désintéresser le spectateur qui s’accroche au dénouement comme un drogué à son sachet de Schtroumpf Haribo.

Le vertige est omniprésent à l’image, jusque dans la coiffure de Kim Novack. Hitchcock a même inventé une technique qui combine le zoom avant et le travelling arrière pour coller le plus à cette sensation qui étreint Scottie. Cependant, l’atmosphère du film ne serait rien sans sa bande originale.

Kim Novak Coiffure

Envolées lyriques

Le talent de Bernard Herrmann est mondialement connu et tout le monde a entendu au moins une fois le thème principal de Psychose. La bande originale de Vertigo ne fait pas exception à ce talent, bien au contraire. Elle sublime les scènes de filature comme les scènes de vertige de Scottie dans l’ascension des marches du clocher de la mission. La reprise de thèmes symbolise avec brio le schéma de folie dans lequel sont enfermés tour à tour Madeleine et Scottie. La boucle du temps est figurée par une boucle musicale lancinante et envoutante. Elle atteint ses sommets lorsque le vertige prend totalement possession de Scottie et se traduit par des images psychédéliques de son visage grimaçant, virevoltant sur l’écran.

La collaboration entre Hitchcock et Herrmann a été l’une des plus marquante de la décennie 1955-1966 et celle-ci en particulier marque les esprits. Certaines scènes laissent toute la place à la musique, seul élément de narration. Alors quand il s’agit de découvrir le film dans une salle de concert avec un orchestre pour jouer la bande originale, on ne boude pas son plaisir je vous l’assure !

Le ciné-concert à faire et à refaire

Dans mon souvenir, la salle était quasiment pleine. Nombreuses étaient donc les personnes qui comme moi avaient pris le parti de sacrifier leur dimanche après-midi à Hitchcock et Herrmann. L’ont-ils regretté ? Moi non. Au cinéma, la bande originale a toujours été pour moi un élément primordial d’une oeuvre. La qualité de celle-ci offre une immersion optimale dans l’histoire et dans le développement des personnages. L’orchestre symphonique confère une nouvelle dimension à la bande originale, elle se retrouve incarnée. Bien sûr, le risque est de se laisser happer par les mouvements gracieux du chef d’orchestre et des musiciens aux dépends des images projetées sur l’écran au-dessus. Toutefois le film est suffisamment prenant pour ne pas souffrir de cette présence.

Une telle expérience, sans aller jusqu’au bouleversement des sens, vaut clairement le coup d’oeil et d’oreille. Que ce soit pour découvrir un film ou pour l’aborder différemment, le ciné-concert est à faire et à refaire !

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