La vie en mieux – si tu as quinze ans.

« Au bout de quelques secondes qui m’on paru interminables, mais pendant lesquelles j’ai eu le temps de télécharger : damned encore raté il est laid il est gros il a un épi il est habillé comme un péquenot il s’est rasé juste avant de venir en se coupant deux fois il se ronge les ongles il a une odeur bizarre et je ne vois pas mon sac, il a fini par ouvrir les yeux ».

 

Il y a longtemps, j’étais alors adolescente, j’avais lu « Ensemble c’est tout », ouvrage à succès d’une écrivaine qui commençait alors à se faire un nom. Je n’en gardai pas un souvenir incroyable, mais je me souvenais d’une jolie histoire un peu à l’eau de rose, d’une écriture fluide, bref, d’un bon roman pour l’été. 9782842637965

 

Dans ce désespoir qu’a été ma vie ces derniers mois, j’ai cru bon de me lancer dans des lectures et films qui parlent de gens un peu au bout du rouleau, ayant le sentiment de passer (à moins que ça ne soit déjà fait), un peu à côté de leur vie. Et bim, je tombe chez mon très cher ancien employeur sur « La vie en mieux » de Gavalda. Pourquoi pas ?

 

Le livre rassemble deux histoires. D’un côté, vous trouvez Mathilde, une parisienne qui a abandonné ses études, qui vit grâce à un job proposé par un membre de sa famille : elle se crée de nombreux avatars et confectionne des commentaires sur des sociétés ou des produits sur le net, selon les besoins de l’entreprise. Sa mère est morte, elle est en colocation avec deux sœurs plutôt coincées, boit beaucoup et enchaine les histoires sans lendemain. En gros, elle déprime et n’arrive pas trop à cerner ses perspectives d’avenir. Attention à l’élément déclencheur : Mathilde perd son sac blindé de pognon, et l’homme qui le lui rend, contre toute attente (puisqu’il est très laid), va lui plaire. Bingo.

 

De l’autre côté, voici Yann, qui n’a rien à voir avec Mathilde. Lui aussi parisien (!), il galère dans un travail inintéressant. En couple cette fois, il s’ennuie sans s’en rendre compte. Mais Yann est un vrai gentil. Et c’est sa gentillesse qui va lui faire passer une soirée mémorable chez ses voisins. Des voisins qui ne sont rien d’autre qu’une famille saine : des parents qui s’aiment, qui sont passionnés par diverses activités, avec deux filles adorables et drôles. Cette soirée va faire basculer la vie de Yann, qui va tout lâcher dès le lendemain : boulot, copine, Paris, pour le sauvetage d’un vignoble. Re-bingo.

 

Dis comme ça, il semble concevable que ces deux histoires puissent être intéressantes. Il y a de la matière. En lisant le résumé, j’ai moi-même été conquise. Pourtant, dès la première page, il m’a fallu m’accrocher (et je crois être fort masochiste pour avoir tenu jusqu’au bout). Très honnêtement, le style de l’écriture ressemble fortement à ce que je pouvais écrire quand j’avais 14/15 ans – et ce n’est pas un compliment. Comment peut-on dire « damned » dans un roman (voir l’extrait cité en début d’article), et encore, pour ne citer que cela. Mais faisons mieux, et ce, dans le même extrait (c’est pour dire !) : « j’ai eu le temps de télécharger », pour parler du temps que son cerveau identifie et mémorise ce qu’elle était en train de voir. Je dois avouer que le niveau de langage m’a clairement effrayée. Est-ce pour toucher un lectorat plus jeune qu’Anna Gavalda utilise ce vocabulaire d’adolescent sur connecté ?

 

Mis à part le style, c’est aussi la construction des personnages et par extension, du récit qui m’ont fait grincer des dents : nous avançons, que dis-je, courrons, cliché après cliché. Ces faux malheurs et toutes ces décisions prises en un quart de seconde qui confirment que l’amour résout tout, ou que, quand ce n’est pas le cas, aller s’exiler en province pour exercer la forme d’agriculture la plus tendance, la plus à la mode et la plus distinguée (c’est bien une idée de parisien…), vous fera revenir à des valeurs nobles et authentiques au plus proche de la nature (encore en rêve d’habitués du RER) et vous rendra le sourire, que dire… C’est trop, trop, facile.

 

Finalement, par chance, je suis passée à côté de ma vie. Dans mon cas, c’est peut être une bonne chose, car si j’étais devenue éditrice un jour, j’aurais sans doute été ruinée en moins de temps qu’il ne me faut pour le dire…

 

« Tu sais, quelquefois je me dis que c’est ce qui pourrait m’arriver de mieux. Etre obligé de leur rendre mon badge et calmer ma copine avec ses rêves de crédit. Ne plus prendre le RER… Ne plus commencer la journée par cette humiliation-là… A peine réveillés et déjà parqués, amassés, concassés… Toute cette viande de banlieue hagarde et résignée comme toi et qui lit les mêmes conneries dans les mêmes journaux gratuits que toi et exactement en même temps que toi… Je te jure, c’est ce qui me déprime le plus, tiens… »

 

Titre : La vie en mieux

Auteur : Anna Gavalda

Editeur : Le dilettante

ISBN : 978 2 84263 796 5

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *