La 23ème édition du Festival Cinespaña se tient actuellement à Toulouse, du 5 au 14 Octobre 2018. Entre rétrospectives et longs métrages inédits, cet évènement est avant tout l’occasion de découvrir le cinéma ibérique. Présenté en avant-première, Carmen y Lola, réalisé par Arantxa Etchevarría, nous plonge au cœur des communautés gitanes de Madrid. Poignant et osé, ce premier film – où les acteurs et actrices sont non-professionnel(le)s – brise les convenances et fait plus que traiter d’un sujet tabou : l’homosexualité est vue comme un péché très grave au sein d’une communauté dont les traditions familiales et les croyances sont fortes.
Dans la communauté d’Hortaleza, Carmen, 17 ans, s’apprête à se fiancer à Rafa. Une vie toute tracée, un schéma qui se répète… Mais pas pour tout le monde. A 16 ans, Lola, elle, aime les graffitis, le lycée et les filles. Après plusieurs essais, à l’encontre des schémas traditionnels et avec beaucoup de pudeur, Lola parvient à séduire Carmen. Cependant, la dure réalité de la culture gitane les rattrape : il est inconcevable que deux femmes puissent s’aimer. Cela est contre-nature et vu comme une maladie chez les gitans d’Hortaleza.
Présenté l’an passé à l’occasion de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, Carmen y Lola est un premier film plein d’ambition. Tel un challenge, la réalisatrice Arantxa Etchevarría s’est plongée au cœur d’une communauté gitane afin d’y trouver ses actrices. Au moyen d’un travail de fond gigantesque, elle a su intégrer une communauté – avec ses traditions et ses coutumes – tout en faisant preuve de bienveillance, et au-delà des à-priori.
Ce film est fort d’un point de vue sociologique. Il brise les clichés et les stéréotypes parce qu’il est vrai (et proche du documentaire) tout en restant pure fiction. Nul besoin d’actrices professionnelles, Arantxa a su mettre en image l’école de la vie et l’école de la rue. Elle met en avant le monde des gitans camelots au sein d’une société castillane à laquelle cette même communauté ne se mélange pas.
Ainsi, le spectateur ne peut faire de différence entre de potentielles actrices professionnelles… Et le fait qu’elles n’aient jamais tourné devant une caméra. C’est pourquoi il ne peut en découler qu’un film sincère et brut, où les personnes ne peuvent tricher sur leurs intentions et sur leurs sentiments.
Très franchement, et parce qu’il s’agit là d’un premier film, ce long métrage peut se permettre de donner des leçons à certains grands cinéastes. Grand nombre de films ont été faits sur l’homosexualité (Blow, Brokeback Mountain) ou sur la culture des gens du voyage (cf. la filmographie de Tony Gatlif). Toutefois, ces nombreux 35 mm ne peuvent (parfois) prétendre à refléter la réalité d’un contexte.
Je pense notamment à M. Abdellatif Kechiche et au controversé La Vie d’Adèle. Tout y est vu derrière le prisme d’un homme dont les intentions sont douteuses. De la même manière, nous sommes dans le cadre d’un cinéma bourgeois parisien où les actrices font semblant. Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos y jouent des rôles parce que Kechiche a juste besoin de mettre en scène des femmes nues pour son propre plaisir masculin.
A contrario, et dans Carmen Y Lola, la caméra ne veut en aucun cas déranger (ni provoquer). Nous avons là un œil pudique, qui est très loin du voyeurisme d’un M. Kechiche. Pourtant, l’effet reste le même : Arantxa Etchevarría nous conte une magnifique histoire d’amour, les scènes pseudo-érotiques en moins.
A coup sûr, il s’agit là d’un Whisky de grande qualité, qui a d’autant plus le mérite d’éveiller le sens humain sur l’ouverture culturelle. Bravo.
J.M
Carmen Y Lola (sortie prévue le 14 Novembre 2018 dans les salles)