WHISKY COCA #1 / LAST ACTION HERO (1993)

Au mois de Mai 1993, l’un des blockbusters les plus colossaux de l’histoire du cinéma sort dans les salles obscures par le biais du cultissime Jurassic Park. Au budget démentiel et plus que faramineux, le film de Spielberg volera la vedette à un autre monstre de production qui sortira le 11 Juin de la même année : Last Action Hero de John McTiernan. Ce film – trop longtemps oublié – marque pourtant un tournant majeur dans le genre cinématographique du film d’action. Au delà d’un tournage chaotique, Last Action Hero permet à son acteur principal, Arnold Schwarzenegger, d’enclencher une véritable renaissance méta-filmique, et cela dans un long métrage aux multiples niveaux de lecture…

Les années 80 viennent de s’achever. Avec elles, c’est toute une manière de faire du cinéma qui appartient désormais au passé. Fini les longs métrages d’action avec ses personnages bigger than life. Nos héros ne sont pas indestructibles. Ils ne sont pas manichéens, confrontant deux visions réductrices du monde entre le Bien (le « capitalisme » américain) et le Mal (le « communisme » soviétique). Nos personnages de films deviennent plus complexes, plus ambigus et plus construits. C’est la fin des Rambo, Rocky, Predator et autres Terminator ; où Schwarzi et Stallone incarnaient des modèles de super héros idéologiques « libres » qui s’opposaient par valeur(s) aux « totalitarismes ». En Novembre 89, le Mur de Berlin tombe. Il met fin à la Guerre Froide. Il démontre symboliquement l’échec des blocs et la fin des idéologies binaires. Le cinéma américain des sur-hommes est terminé.

Bienvenue dans les années 90. Bienvenue dans le renouveau du cinéma Hollywoodien. Bienvenue dans la reconversion de ses icônes. Schwarzi n’est plus, et John McTiernan doit se renouveler s’il veut perdurer dans les métiers du cinéma. C’est ici le point de départ de Last Action Hero, un 35 mm qui porte à l’écran « la dernière action d’un héros » Hollywoodien : Arnold Schwarzenegger/Jack Slater.

Littéralement, le titre – à lui seul – marque symboliquement la fin d’un certain cinéma qui appartient désormais au passé : les films d’action américains ne seront plus jamais comme avant. Aussi, ils méritent donc un chant du cygne, un film hommage à tout un genre qui a traversé les années 80. C’est cela que veut mettre en scène Last Action Hero, et cela à de multiples niveaux. C’est à la fois le dernier film d’un genre passéiste, mais aussi le renouveau d’un genre qui s’auto-parodie et se moque de lui-même s’il veut continuer à exister dans les 90’s.

Le pitch nous présente l’histoire d’un jeune garçon, Danny Madigan (Austin O’Brien), qui sèche l’école pour aller au cinéma. Danny est un grand fan de la série des Jack Slater qui met en scène un héros de films d’action. Entre autre, Danny voit en Slater (interprété par Schwarzenegger) une sorte de figure paternelle qui comble un vide affectif : le père de Danny est mort, et il vit avec sa mère célibataire qui cumule les petits boulots pour s’en sortir. Ainsi, le cinéma agit pour Danny comme une sorte d’échappatoire à sa vie morose d’adolescent.

Le projectionniste du cinéma, Nick (Robert Prosky), est un ami de Danny. Nick propose au jeune garçon de venir voir Jack Slater IV en avant-première. À cette occasion, il lui remet un billet magique qui lui a été donné jadis par le grand magicien Harry Houdini. Grâce à ce ticket, Danny entre subitement dans le film, lui conférant notamment le pouvoir immense de traverser les mondes.

last action hero

Toutefois, et en entrant dans la fiction de Slater, Danny ouvre symboliquement une boîte de Pandore. En effet, le ticket tombe entre de mauvaises mains en la personne du tueur à gages Benedict (Charles Dance) qui décide de l’utiliser afin de libérer tous les « méchants » des films de cinéma. Benedict appartient à la fiction de Slater : c’est le « méchant » du film que Danny était venu regarder.

Désormais, l’objectif de Benedict est de faire assassiner dans « la vraie vie » Arnold Schwarzenegger, ceci afin de se débarrasser de Jack Slater…

Ce film est génial. En multipliant les strates et les mises en abyme, Last Action Hero joue en réalité avec les codes du cinéma et reste un objet d’étude sérieux. Derrière le genre comique d’un film d’action qui se moque de ses propres critères, ce long métrage est intelligent. Il multiplie les clins d’œil au cinéma pour faire sens et délivrer un vrai message : bien que les films d’action soient des blockbusters, ils peuvent nous parler de cinéma et avoir une point de vue politique sur l’entertainment.

Il serait trop long d’analyser et de décrypter les nombreux niveaux de lecture de Last Action Hero. De la même manière, une chronique à elle seule suffirait à comparer la vision idyllique du monde fictif de Slater à la froide réalité pluvieuse du monde de Danny (en bref, nous avons là un certain point de vue ou une certaine vision des années 90…)

Nous retiendrons néanmoins que ce film est une véritable leçon de cinéma qui permet au spectateur lambda de décrypter le cinéma tout en s’amusant. Parce qu’il est un blockbuster, Last Action Hero appartient à une certaine culture mainstream qui reste accessible au plus grand nombre. Ici, il n’y a rien de pompeux malgré les allusions et les références à des films comme Hamlet ou encore Le Septième Sceau (des références qui ne sont pas choisies au hasard…). Ce film d’action reste populaire et nous permet d’apprendre des choses tout en rigolant.

Dans ses nombreux échanges avec Slater, Danny en profite généralement pour décrypter toutes les clés d’un scénario : comment fonctionne un « méchant » Hollywoodien ? Quels sont les trucs et astuces du cinéma américain, entre les numéros commençant systématiquement par « 555 » et les Mc Guffin ? Qu’est-ce-qu’un climax ?…

En fait, Last Action Hero fonctionne comme une fiction ludique et interactive, qui permet au spectateur de se cultiver sur le cinéma tout en évitant le côté intellectuel rebutant des films d’art et essai.

Au delà du « film dans le film » et des clins d’œil à Ingmar Bergman ou encore Lawrence Olivier, John McTiernan en profite pour délivrer un message critique relativement fort : les films d’action racontent quelque chose et signifient des choses. En auto-parodiant le genre, Mc Tiernan – à qui l’on doit Predator et Die Hard – s’attaque quelque part à la politique des majors et au gigantisme Hollywoodien. Il cherche notamment à dire que ce type de cinéma, fondé sur la mythologie américaine du sur-homme, est justement dépassé. Les spectateurs eux-mêmes ne sont pas des ignares et ne sont pas crédules. Ils ne « consomment » pas bêtement des films et y cherchent des interprétations.

A mon sens, et dans Last Action Hero, la boucle est bouclée lorsque Jack Slater, le personnage, rencontre Arnold Schwarzenegger, l’acteur qui l’incarne dans la série de films. Une réplique résonne notamment dans ma tête lorsque Slater sort à la face de Schwarzi : « je n’aime pas du tout ce que tu es… Tu ne m’as fait que du mal ». Au delà de souligner la condition de personnage fictif de Slater – qui se rend compte que toute sa vie n’est qu’invention et pure fiction – cette réplique est à méditer à de multiples niveaux : et si Schwazenegger se remettait lui-même en question, en se rendant compte qu’il sera catalogué à vie dans un certain style de personnage ou dans un certain genre de cinéma ?…

C’est donc pour ces nombreuses raisons que je recommande vivement le visionnage de Last Action Hero. Au delà de la nostalgie adolescente, ce long métrage est le témoin d’une époque et une réflexion sociétale sur l’influence de l’industrie Hollywoodienne. Le cinéma d’entertainment, à travers ses films d’action des 80’s, véhicule un message d’idéal politique qu’il nous faut combattre : l’idée que le modèle américain est le plus juste dans nos sociétés capitalistes. C’est exactement ce que fait Last Action Hero à l’entrée des 90’s en se raillant de tout un genre. Par ses traits caricaturaux, ce 35 mm nous prouve que les spectateurs ne sont pas des moutons qui avalent bêtement la propagande libérale des films d’action.

J.M.

 

 

 

 

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