Nicolas Marjault, dramaturge et auteur de polars : « Le théâtre ne peut être que dangereux »

Il a écrit la trilogie de polars Micropolis qui révèle les dessous d’une ville de province (Niort). Rencontre avec celui qui fut mon prof et l’adjoint Culture à la mairie de cet ancien rempart de la gauche. On parle politique bien sûr, écriture, le théâtre qui sauve la vie, et Nick Cave.

Nulle Part à Niort (2016) : un polar politique sans flingue et sans flic, car, dans ce monde-là, les morts n’intéressent plus personne… Niort par-dessus tout (2018) : une ville fantasmant son identité rurale et mutualiste, tandis que les Salafistes vantent les mérites d’un lycéen du coin… Contre vents et marais (2020) : Accident ? Suicide ? Meurtre ? Les gendarmes n’ont pas pu trancher ; c’est le secret de cette victime de la « guerre de l’eau ». Trois enquêtes menées tambour battant par la journaliste Léna Korzybski. (Geste Éditions)

Charlie (Arnaud) : Quelle fut l’impulsion qui t’a lancé dans l’écriture ?

Nicolas Marjault : « Nulle part à Niort » est mon premier roman même si j’avais déjà écrit pour le théâtre. Une longue histoire d’amour qui dure toujours. Reste qu’en 2014, l’impensable se produit. Niort, un bastion imprenable de la gauche bascule à droite et ce, dès le premier tour. Un moment d’autant plus sidérant pour moi que je m’étais engagé entièrement dans mon mandat d’adjoint à la culture depuis 6 ans. Au point, sans doute d’être aveugle et sourd aux aspirations plus patrimoniales, plus sécuritaires et plus individualistes qui travaillaient en profondeur la ville et le pays.

« Le polar pour rendre des comptes »

Cette sidération a immédiatement été suivie d’un second choc plus violent encore. Le déni de mes camarades écologistes, socialistes et communistes sur nos propres responsabilités dans l’émergence de ces nouvelles aspirations. Et là, le polar m’est apparu comme l’espace littéraire le plus approprié pour rendre compte et rendre des comptes. Mon héroïne Léna pouvait voir le jour.

Dans la pièce « Mes ancêtres les gaulois » (2020), co-écrit et interprété par Nicolas Bonneau, ils défendent une identité française multiple, protéiforme voire contradictoire.

Charlie : On sent que ta trilogie est très théâtrale : « Niort par-dessus tout » s’ouvre sur une liste des personnages principaux, tous les chapitres ont des didascalies … Dans quelle mesure dirais-tu que ton activité théâtrale infuse ton travail de romancier ?

Nicolas : Le théâtre est au cœur de toutes mes recherches artistiques parce qu’il demeure pour moi un art total au sens où il convoque sur son plateau tous les autres arts. Il architecture, chorégraphie, verbalise, dessine et surtout, il politise parce qu’il met en jeu, confronte, improvise, défriche. Le théâtre, pour moi, ne peut être que d’avant-garde. Que subversif. Que dangereux. C’est l’objet à réaction démocratique par excellence. Et bien évidemment, sa pratique nourrit mes romans au sens où elle les conduit sur des terres laissées en friche par nos sociétés paralysées par la peur du lendemain. La jeunesse, le désir, les contradictions, l’altérité, les métamorphoses s’invitent donc, comme par provocation, dans tous mes romans.

Avec l’atelier Théâtre du lycée Jean Macé

Charlie : Oui, on sent une prise de pouvoir des jeunes par ce biais, et c’est beau à voir. Le politique est-il nécessairement citoyen ?

Nicolas : Malheureusement non. Et de moins en moins… Nous sommes dans l’ère de la communication et l’art premier du politique est de vider les mots de leur sens. Au mieux, c’est une médecine de type palliative. Au pire, c’est un accélérateur de particules identitaires. Après, c’est un théâtre d’ombres et derrière le rideau s’inventent déjà de nouvelles formes de citoyennetés. Donc, restons optimistes !

Charlie : Bien d’accord avec toi. Pour terminer, y a-t-il des artistes qui t’inspirent et t’ont aidé pendant l’écriture ?

Nicolas : Le musicien qui m’accompagne du matin au soir depuis trente ans maintenant, c’est Nick Cave. Et si je devais choisir le cinéaste qui m’a le plus marqué, ce serait à n’en pas douter David Lynch, même si une fois qu’on ouvre cette boîte à inspiration, on ne peut jamais la refermer.

Merci Nicolas pour ta disponibilité.

4 commentaires

  • Hervé
    Hervé

    Très bel article sur les romans et la personne de Nicolas Marjault .
    Je souhaiterais mentionner votre blog sur mon blog livresniortais.overblog.com
    Merci de votre réponse .

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    • Charles Chinasky
      Charles Chinasky

      Avec plaisir !

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  • Jocelyne Cathelineau
    Jocelyne Cathelineau

    Bonjour
    Je suis en train de finir « Contre vents et marais » et je suis déçue… non par l’histoire et encore moins par le style. Mais c’est bourré d’erreurs de ponctuation, d’accords… les traits d’union sont, soit, pas mis, soit mis où il ne faut pas. Les deux premiers romans étaient beaucoup mieux relus ! Ancienne collègue d’Annie, la maman de Nicolas Marjault, je me demande ce qu’en tant qu’institutrice, elle en pense. Quant à moi, le plaisir de lire cette histoire subtile qui a pour cadre ma ville de naissance est un peu gâché par cette forme défectueuse.
    Jocelyne, Saint-Maixent

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    • Charlie
      Charlie

      Bonjour Jocelyne,
      j’avais également observé quelques coquilles dans ce troisième opus, mais pas dans la proportion ni avec le ressenti que vous indiquez.
      Nul doute que Geste Éditions aura à cœur de corriger ces approximations dans un prochain tirage.
      Merci pour votre retour.

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