Il y a des boucles qui s’accrochent à ton cerveau et qui, sans que tu t’en rendes compte, deviennent un refuge. Aruarian Dance de Nujabes fait partie de celles-là. Tu l’as peut-être entendue pour la première fois dans Samurai Champloo ou dans un tiktok ou dans une chaine lo fi ou ailleurs. On s’en fout, tu l’as entendu.
Laurindo Almeida et la lampe basse
Avant Nujabes, il y avait Laurindo Almeida, guitariste brésilien qui a passé sa vie à jongler entre la bossa nova, le jazz et le classique. En 1964, il enregistre The Lamp Is Low. Ce titre est lui-même une adaptation d’une pièce de Ravel (Pavane pour une infante défunte), réarrangée dans une ambiance jazz suave. La guitare flotte, légère, presque éthérée, et tout respire une mélancolie douce, comme si Almeida avait mis la saudade sur une corde nylon.
Le tour de magie de Nujabes
Arrive Nujabes. Producteur discret, samouraï du sample, poète du MPC. Là où d’autres empilent les couches, lui choisit la subtilité. Sur Aruarian Dance, il isole un fragment de guitare, ralentit la cadence, ajoute une batterie feutrée, une basse ronde, et laisse l’air circuler. Pas besoin de grandiloquence : la magie, c’est cette respiration entre les notes.
Le résultat, c’est un morceau qui donne l’impression de marcher de nuit dans une ville vide, éclairée par les lampadaires, avec le cœur lourd mais la tête pleine de lumière.
Samurai Champloo et l’héritage
Si Aruarian Dance est culte aujourd’hui, c’est aussi grâce à Samurai Champloo. Shinichirō Watanabe (le même qui a fait Cowboy Bebop) avait eu l’idée folle de marier un Japon féodal fantasmé avec le hip-hop. Et dans ce décor, la musique de Nujabes devient un personnage à part entière.
Des milliers de spectateurs découvrent alors en même temps un anime pas comme les autres et un son qui va influencer la vague lo-fi et chill-hop des années 2010. Aujourd’hui encore, impossible d’ouvrir une playlist “study beats” sans croiser l’ombre d’Aruarian Dance.
Pourquoi ce sample est parfait
Parce qu’il ne se contente pas d’être joli. Il transporte avec lui toute une lignée d’émotions : Ravel → Almeida → Nujabes. On passe d’un compositeur français à un guitariste brésilien pour finir par un DJ Japonais. Si c’est pas parfait, je ne sais pas ce qu’il vous faut.