Brûlures d’usure

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La meilleure.

Dix ans, elle a à peine la force de porter un dictionnaire qu’elle rafle déjà le premier prix d’orthographe de l’école. Onze, elle est la reine de la Macarena au gala de danse annuel.

Douze, elle se prépare déjà pour le brevet des collèges. Fini le vélo dans les allées, le goûter Nutella-verre de lait, les Totally Spies le samedi matin. Le seul loisir qu’elle n’a pas délaissé, ce sont les cours de danse classique.

Quatorze ans. Brevet déjà en poche avant de le passer, elle travaille pour l’honneur, mention, elle se laisse un peu de répit pendant l’été.

Jusqu’à ce que son père, ce fameux chirurgien, lui dise : « Ca ne se met pas dans un CV, ton brevet ».

Elle intègre le lycée le plus prestigieux de la ville. Elle fréquente des ados Hermès-Louis Vuitton. Elle, elle n’a pas d’argent, elle a l’intellect. Travail. Métro. Dodo. Danse.

Elle fait encore quelques galas, quand le mélange lycée-devoirs-cours du soir le lui permet. Et quand son père n’est pas là.

Dans six mois, Baccalauréat. Mention. Boîtes, bars, alcool, drogue, très peu pour elle. Elle n’en a vu qu’à la télévision. Elle ne sort pas. Même les tutus et les pointes sont rangés dans le placard. Les seules choses qui s’animent devant elle sont les lettres de ses livres, qui dansent devant ses yeux quand son cerveau la lâche.

Son orientation, « école de commerce ou d’ingénieur », elle soupçonne son père d’avoir rempli ses souhaits à sa place. Du coup, le mot « souhait » la bien fait rire. Intérieurement.

Sa chambre a déjà toutes les allures d’un bureau, le lit en plus. Et les collègues en moins. Ses favoris, dans son navigateur Internet, se résument au site de l’AFP et au Figaro.

Son père peut bien se faire plaisir à croire qu’elle ira où il veut, ce matin, elle est partie au lycée avec un aller simple pour la Nouvelle-Zélande.

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