Le Festival de Cannes n’aura pas lieu, pour la première fois depuis mai 68.
C’est la semaine prochaine qu’aurait dû s’ouvrir la 73e édition du grand raout cinématographique. Mais après une édition 2019 miraculeuse (le Tarantino, le Sciamma, Parasite, …), il fallait bien que le karma (ou le Covid) s’en mêle.
Au-delà des stars et des flashs, le rendez-vous cannois reste un incontournable de l’année pour tout un pan de la production ciné. Les retombées économiques sont immenses, et le label “Cannes” fait encore des merveilles. En particulier dans le cinéma français où, depuis 10 ans, tous les César du meilleur film ont démarré sur la Croisette (sauf Jusqu’à la garde).
En attendant que les salles ouvrent de nouveau et que le marché se relance, je vous propose de monter ensemble des marches imaginaires, à la découverte d’une sélection 2020 fantasmée.
Le jury est conduit par Spike Lee, ça on le savait depuis des semaines. À ses côtés, je vois Céline Sciamma et Bong Joon Ho, deux grands gagnants de l’année dernière. La productrice hong-kongaise Ann Hui et le réalisateur tunisien Mohamed Ben Attia sont là aussi. Il nous faut une star hollywoodienne: à la fois glamour et engagée, Charlize Theron sera tout à fait à sa place. Comédienne et chanteuse, Janelle Monáe représentera le côté musical. Enfin, Damien Chazelle complète la parité, en pleine promo de The Eddy et pour rappeler à tout le monde qu’il est francophone.
Prix du Jury: The French Dispatch (Wes Anderson)
Wes ouvre son coffre à jouets et en sort ses acteurs/figurines fétiches pour une fantaisie tournée à Angoulême. La montée des marches s’anonce démentielle: Bill Murray, Frances McDormand, Tilda Swinton, Adrien Brody, Benicio del Toro, Saoirse Ronan, Elisabeth Moss, Edward Norton, Willem Dafoe, Christoph Waltz… Et chez les francophones: Léa Seydoux, Cécile de France, Timothée Chalamet, Guillaume Gallienne, Denis Ménochet, Vincent Macaigne, Damien Bonnard, Lyna Khoudri…
Le film est l’un des seuls de la sélection à avoir une date de sortie (le 16 octobre).
Prix d’interprétation féminine : Virginie Efira dans Benedetta (Paul Verhoeven)
Une adaptation du livre de Judith C. Brown Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne, lui-même inspiré de l’histoire vraie de Benedetta Carlini. Je crois que tout est dit. Et ça mérite bien un prix pour le cinéaste hollandais, de retour 4 ans après Elle.
Prix d’interprétation masculine : Adam Driver dans Annette (Leos Carax)
C’est un musical entièrement chanté en direct (comme Les Misérables). Et on connaît les talents d’Adam dans le domaine, surtout depuis sa fameuse scène de Marriage Story. Ajoutez Marion Cotillard, Leos Carax et les Sparks (et essayez de prononcer ça très vite): ça ne peut que faire des étincelles.
Il n’aura rien mais on l’aime quand même: On The Rocks (Sofia Coppola)
C’est Sofia qui parle le mieux de son film, produit par Apple TV+ (Cannes n’aime pas le streaming, mais je crois que désormais ils ne sont plus à ça près) :
C’est l’histoire de Bill Murray et Rashida Jones, dans le rôle d’un père et de sa fille. Elle est mariée à Marlon Wayans, un homme d’affaires prospère qui voyage beaucoup et qui a une jolie assistante (…) [Le personnage de Rashida] a des soupçons. Le père, sorte de playboy sophistiqué, l’entraîne dans sa paranoïa, voyant les hommes à travers son propre point de vue. C’est un peu le choc entre ces deux générations (…). Le film parle aussi de la relation avec nos parents, de la façon dont elle affecte vos relations dans votre vie. C’est l’aventure d’un père et d’une fille qui espionne son mari.
Prix de la mise en scène: Ari Folman (Where is Anne Frank?)
Valse avec Bachir (2008) reste un choc, des années après. Pour Le Congrès aussi, j’étais sur le cul. Bref, inutile de tourner autour du pot: c’est le film que j’attends le plus. Et si Max Richter est encore partant pour faire la B.O., je serai aux anges.
Prix du scénario : Maïwenn (A.D.N.)
Avec Polisse puis Mon Roi, Maïwenn n’est jamais repartie bredouille du festival. Je vous laisse avec le synopsis.
L’histoire d’une jeune femme ayant des liens étroits avec un grand-père algérien qui l’a protégée d’une vie familiale toxique lorsqu’elle était enfant. Quand il meurt, elle se retrouve confrontée à une profonde crise d’identité alors que les tensions entre les membres de sa famille réapparaissent.
Palme d’Or: Memoria (Apichatpong Weerasethakul)
C’est la Colombie, c’est deux actrices perdues, c’est un cinéaste thaï au nom (presque) imprononçable, mais qui fait des films finalement si simples où il suffit de se lover. Des histoires comme interactives où tout peut arriver. Et donc une deuxième palme, 10 ans après Oncle Boonmee.
Memoria suit une botaniste spécialiste des orchidées (Tilda Swinton) lors de sa visite à Bogotá, où vit sa sœur malade. Elle devient amie avec une archéologue française (Jeanne Balibar) qui travaille près d’un chantier d’un tunnel dont la construction dure depuis un siècle. Ce paysage est partie intégrante de l’intrigue. Sur place, le personnage de Tilda Swinton ne va plus trouver le sommeil, hantée par des bruits étranges…
Cannes c’est enfin, et surtout, la révélation de talents jusqu’alors inconnus. Une carrière qui explose en 10 jours. Un prix qui change une vie (coucou Les Misérables). Clin d’oeil final à tous ces films-surprise, que nous connaîtrons ces prochains mois, je l’espère.