[Critique] « Falcon Lake », le beau premier long de Charlotte Le Bon

Believez la hype : le premier film de notre ex-Miss Météo est en tout point remarquable.

C’est l’été et Bastien tue le temps dans une cabane au bord d’un lac du Québec. La surprenante Chloé est là aussi. Fille d’amis de ses parents, adolescente comme lui. Entre les deux grands enfants, les jeux commencent et les frissons s’invitent, d’autant plus qu’un fantôme rôde.

Ça ne tient pas à grand-chose : un sourire, un éclat de soleil sur l’eau, une balade à pieds pour rejoindre une fête. Et pourtant tout est contenu dans ces petits instants qui font les grands moments. Les profondes peines, les amours immenses, bref toute la vie d’adulte qui s’annonce et qui donne le vertige quand on est à son seuil.

Après avoir joué la comédie à Canal+ puis Hollywood, tourné un court-métrage (Judith Hotel) et glané une nomination aux César pour Yves Saint-Laurent, c’est sur les conseils de son réalisateur, Jalil Lespert, que Charlotte Le Bon s’est plongée dans la BD Une Sœur de Bastien Vivès. Avec l’aide de François Choquet, elle adapte l’œuvre à l’écran et choisit de renommer le héros « Bastien », comme pour rester fidèle au côté déjà autobiographique de l’œuvre de Vivès.

De prime abord, Chloé semble aussi impétueuse que Bastien est réservé, mais très vite leurs rôles s’étoffent. Car Le Bon veille au grain (de son film tourné en pellicule 16 mm) : jamais dans la caricature, chacun de ses personnages a son monde à lui, ni plus ni moins. Il en va ainsi des parents, telle la maman de Chloé campée par la drôlissime Monia Chokri, qu’on avait vue notamment chez Xavier Dolan. Dans le rôle de Bastien, Joseph Engel est formidable et l’on ne peut qu’imaginer les échanges à fleur de peau qu’il dut y avoir entre lui, l’incroyable Sara Montpetit (qui joue Chloé), et leur réalisatrice novice mais plus que douée.

Si les inspirations foisonnent (on pensera à A Ghost Story ou à Jeff Nichols pour le côté rural nord-américain), c’est bien au creux de l’oreille, dans son vécu et ses traumas à elle, que Charlotte Le Bon épanouit son Falcon Lake. Dans cet intime entre-deux, elle prête son œil à une vision hors de tout cliché, évacuant les écueils du « film d’ado » que sont la mièvrerie et le misérabilisme. Son film est un peu la rencontre des Virgin Suicides de Sofia Coppola avec la langueur des soirs d’été chez David Robert Mitchell (The Myth of the American Sleepover). De ces paysages cinématographiques, on garde la même bande de teenagers désœuvrés que la vie s’empressera de charger de son fardeau.

« Une Sœur » de Bastien Vivès (2017)

C’est un concert de louanges et de références que je chante ici. Mais soyez sans crainte : Falcon Lake fonctionne par lui-même et les qualificatifs ne manqueront pas pour souligner les talents de ce premier long-métrage. Foncez vous lover dans une salle de ciné pour profiter de l’été, de la première image jusqu’à la dernière séquence, poignante.

Présenté à Cannes dans la section « Quinzaine des Cinéastes », Falcon Lake sort au cinéma aujourd’hui.

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