Du Bétail, de Frédéric Arnoux

Du Bétail : un roman noir, trash et anticapitaliste par l’auteur de Merdeille.

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Bonjour et bienvenue dans « un dernier livre avant l’apocalypse nucléaire », la chronique littéraire bimensuelle pour bien choisir ses lectures en attendant la mort dans d’atroces souffrances.

L’apocalypse nucléaire arrive et vous ne savez plus quoi lire ?

Votre voisin construit un abri antiatomique dans son jardin et vous êtes en quête d’un bon bouquin ?

L’horloge de la fin du monde est à minuit moins une seconde et vous ressentez le besoin d’une lecture solide, puissante, et réconfortante ?

Pas de panique, nous sommes là pour ça. Cette semaine : du Bétail de Frédéric Arnoux.

 

Malgré son titre évocateur et sa couverture couleur lie-de-vin au design sobre comme un rapport de thèse du ministère de l’agriculture, du Bétail n’est absolument pas un traité sur l’élevage des animaux domestiques en exploitation agricole, à l’exception comme chacun le sait, de la volaille. Mais pourquoi la volaille n’aurait-elle pas le droit de prétendre au titre de bétail, me direz-vous ? c’est une excellente question, à laquelle à ma grande surprise ce livre n’apporte malheureusement aucune réponse. On voudrait nous cacher une vérité qui dérange qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Mais on ne me fera pas taire !

(En plus c’est bien dommage parce que j’avais une super idée, par exemple on aurait pu faire un livre en forme de bovidé, avec une couverture douce en poils de vache, des cornes et des pis et … et … bon allez ta gueule Zantrop.)

Car c’est d’un tout autre bétail dont il est question ici. « Les français sont des veaux », ce n’est pas moi qui le dit, c’est LE Général lui-même. Et c’est pas parce qu’il était Général qu’il disait pas des  généralités de temps en temps, le pépère.

Du Bétail est un roman noir avec un côté un peu trash, qui explore les recoins sombres et sales de l’Humanité  – l’ensemble des êtres humains, pas le journal. Si tu étais venu pour découvrir les travers de Jean Jaurès, en apprendre plus sur le scandale sexuel « Léon Blum », ou entendre parler des dérives d’esclavage à la Fête de l’Huma, tant pis (de vache ?) – ou tout du moins ceux de l’élite argentée qui la dirige.

Le roman développe le thème d’un complot de l’oligarchie néolibérale pour maintenir sa mainmise sur le monde (et ses belles méthodes comme l’argent-roi, la trahison, le cynisme, la drogue et les faux-cupidons qui tirent des flèches sur les passants), et retrace l’existence de quelques petites mains de l’ombre ; des intermédiaires qui exécutent les basses œuvres des plus hauts placés, et dont la route va croiser celles d’antagonistes sud-américains bien décidés à ne pas perdre le marché de la poudre (c’est un joli euphémisme. J’aurais aussi pu écrire : un commando de FARC surarmés prêts à buter tout le monde et à tout faire péter pour rester leaders sur la CC).

Aussi étonnant que cela puisse paraître, du Bétail débute par un premier chapitre. Oui bon d’accord, jusque-là, c’est pas si étonnant que ça. Mais c’est un premier chapitre saisissant, qui vous plonge directement dans l’ambiance et vous met dans le bain pour la suite. Si vous n’êtes pas convaincu par cette introduction, pas la peine d’aller plus loin.

(Enfin si quand même ce serait bien d’aller un peu plus loin et de donner une chance à ce livre. Et à ce billet. Merci.)

Les courts chapitres dont les titres sont assez ironiques (je ne sais pas pourquoi, association d’idées, j’ai pensé aux titres des Idées Noires de Franquin) s’enchainent très vite d’un personnage à l’autre, entre Bronzo l’exécuteur qui essaie de survivre par tous les moyens, Slim l’intermédiaire qui se croit plus malin que tout le monde, ou Joss le commanditaire qui passe sa journée à l’arrière d’une limousine aux vitres teintées (y ai-je vu aussi un clin d’œil au Cosmopolis de Don DeLillo ? possible).

C’est un texte au style plus conventionnel et au développement moins original que son précédent effort Merdeille (on se rappelle entre autres avec bonheur de la « mondolisation », de Kiki, des dentistes, de mon Ange, des yéyés de Mme Fofana, et de l’Air Wick senteur Rose…) avec lequel j’avais découvert l’auteur. Et également moins ironique. Mais ce que Frédéric Arnoux perd ici en originalité, il le gagne probablement en ouverture à un public plus large : du Bétail est peut-être une porte d’entrée moins radicale et plus accessible à son univers. Et comme on le dit souvent, il faut mieux essayer de rentrer dans la maison par la porte de devant que de passer par la chatière de l’abri de jardin du voisin (en vrai on le dit pas tant que ça, mais peut-être qu’à partir de maintenant … ?).

Frédéric Arnoux, du betail

Et ce n’est que maintenant que je me rends compte que j’aurais d’abord dû en toute logique faire la chronique de Merdeille.

Mais bon, si je faisais les choses correctement, ça se saurait. Peut-être dans un prochain billet ?

(Woohaaa OMG cet art du teasing vraiment je suis époustouflé les bras m’en tombent)

Même si on y retrouve quelques idées originales qui rappellent le monde de Merdeille comme la «Saint-Valentino », les “grouillants”, ou ce business de plateforme de streaming de vidéo snuff, et surtout ce fond très anticapitaliste : Un auteur qui cite Chomsky et Bourdieu en exergue de son livre (et aussi JFK pour être totalement honnête, mais bon ça collait moins avec mon propos même si la citation est très pertinente) ne peut pas être totalement mauvais. Mais cette fois-ci, contrairement à Merdeille, on regarde les choses par l’autre bout de la lorgnette, du côté des puissants et non plus du point de vue des laissés pour compte.

Côté références j’ai pensé évidemment à Matthew Stokoe (qui a d’ailleurs écrit, soit dit en passant, un roman appelé « Cows », ça ne s’invente pas, smiley clin d’œil complice), et encore plus évidemment, aux romans brillants de son traducteur en France, Antoine Chainas (qui n’a pas encore écrit de roman avec des bovidés dans le titre : smiley perplexe).

Pour résumer, un mauvais critique irait jusqu’à dire que du Bétail, c’est “vachement” bien.

Et c’est là qu’on voit que je ne suis pas écrivain.

Chacun son métier, et les vaches seront bien gardées.

Un livre à lire avant l’apocalypse nucléaire ; mais tardez pas trop quand même à le commencer …

Frédéric Arnoux, du betail

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Du Bétail, Frédéric Arnoux, éditions JOU, 2022

Allez l’acheter chez votre libraire du village. Et s’il n’y a plus de librairie, c’est simple : ouvrez-en une.

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(Le saviez-vous ? pour s’y retrouver plus facilement, cette rubrique littéraire bimensuelle est taguée « Udlalan », les initiales d’Un Dernier Livre Avant L’Apocalypse Nucléaire.

Je viens de découvrir qu’en Zoulou, udlalan signifierait : « Tu plaisantes ».

C’est tout, rien à ajouter.)

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