Romain est executive creative director chez l’agence UNIT9. Avec sa trilogie de courts-métrages (dont La Dernière Prophétie qui vient de sortir), il invente un cyber-monde à base de sexe, drogue, & musique qui dépote. Bref, c’est du 100% Whisky et on est ravi de trinquer avec lui.
Images du passé
« Je travaille aujourd’hui chez UNIT9, une agence créative 100% technologique. La tech, pour moi, c’est un langage pleinement intégré. Je pense tech, je vis tech, et ça depuis le début de ma carrière. J’ai commencé chez Duke qui était à l’époque la meilleure agence créative digitale. On avait la toute première Microsoft Surface dans le hall. Le truc faisait un mètre cube ! »
« Personnellement, j’ai grandi devant la télé, la console et les films. Je suis enfermé dans ma chambre avec une télé depuis mes 8 ans. J’ai toujours été passionné de jeux vidéos, films de SF, mangas futuristes, comics. Ghost in the Shell, Akira, Jin-Roh, Evangelion, Zone of the Enders, la culture japonaise, les dystopies sociétales futuristes, c’est mon Disney à moi. C’est pour ça que je tenais a travailler en Asie. J’ai vécu un temps a Singapour. »
« Mes artistes favoris, évidemment ce sont les expérimentaux, les inventeurs visuels et sonores. Les fous qui ont eu une formation académique et qui ensuite pètent tout pour intégrer des trucs barges. Les meufs de CocoRosie par exemple, elle se calent dans une ferme et elle enregistrent les poules ! Niveau musical, j’aime aussi Radiohead et, niveau visuel, j’ai toujours été attiré par les matte painters de SF comme Ryan Church, ou Viktor Antonov (Half-Life 2, Dishonored) que j’ai rencontré assez jeune. Mon meilleur pote, Henri, m’a transmis l’amour de la 3D et m’a offert a peu près tous les artbooks importés imaginables quand on était jeune (Ghost in the Shell, Le Château Ambulant, Totoro, … ). »
« Récemment, je suis tombé sur le taf d’Ash Thorp, un fou qui a bossé sur le Ghost in the Shell de Rupert Sanders. J’aime ça, les recherches visuelles sur le futur. C’est ma came. J’appelle ça le ‘viol visuel’ : des trucs tu les vois, tu sais pas d’où ça sort, mais ça te tamponne la rétine. Il y a aussi ces mecs qui mélangent la tech et les images : https://builders-club.com/«
« Je suis pas très Woodkid à vrai dire, en revanche il m’a inspiré sur un autre niveau. Il est sorti d’Émile Cohl si je me rappelle bien, une école d’illustration, et après quelques clips (The Shoes, …), il s’est mis a sortir ses trucs. Ça, je respecte. Comme Pleymo et Mark, ce sont des artistes complets et je me sens de la même veine. »
Rythmes du présent
« La musique, c’est mon premier amour. J’ai leadé au chant un petit groupe de hardcore pendant 3 ans au lycée (Schyzo Affective Disorder) et passé mes soirées et mes week-ends dans des caves ou des salles comme La Boule Noire, à aller écouter les groupes obscurs les plus hardcore de l’époque (Kickback, Black Bomb A, Boogia). J’ai même eu Mark Maggiori, chanteur de Pleymo, comme prof d’illustration à Penninghen. Et je l’avoue, j’ai fait du chant lyrique à l’opéra pendant 2 ans en CM1 et CM2. La musique et les images, pour moi, c’est indissociable. »
« Pour Love 2062, j’ai cherché longtemps sur quel son je voulais travailler. C’est presque un clip en réalité. J’ai contacté plusieurs musiciens et me suis décidé sur un ami de DDB qui m’a fait écouter plusieurs de ses embryons de morceaux en cours. J’ai scotché sur un et lui ai demandé de le terminer. »
« Pour Krokodil Requiem, je voulais écrire un album de slam. J’ai fait des recherches sur mes origines russes et, en trouvant des documentaires sur le krokodil (un substitut de l’héroïne aux effets dévastateurs, ndlr), j’ai décidé de me focaliser là-dessus. Les paroles et la musique sont nés bien avant le court. Les Fleurs du Mal a été la plus grande inspiration pour les lyrics. Pour le son et les images, c’était Pierre et le Loup de Prokoviev : je l’ai écouté et vu en boucle toute mon enfance. Ensuite j’ai contacté Balthazar Benadon, un ami de Penninghen, bassiste d’origine, avec qui j’avais quelques fois chanté (enfin hurlé) quand nous étions à l’ESAG. On avait travaillé ensemble sur un clip de son groupe : Yellow Book des Dead Sea Lions. Il a toujours été ‘hors cadres’ musicalement et ça l’a botté direct. On a composé un peu ensemble et il a fini le travail seul. Ensuite on a parlé avec un autre ami, Xavier Gibert, qui a développé le studio son binaural de RFI, et il a proposé d’adapter avec Balta le son en 3D. C’est d’abord une oeuvre musicale, ensuite visuelle. »
« Pour La Dernière Prophètie, c’était moitié moitié. Cette vidéo de prévention pour Greenpeace m’a beaucoup inspiré pour la musique, l’univers de fin du monde. Quand j’ai rencontré Elvire (creative lead chez UNIT9), je lui ai tout de suite montré les scénario et dossier visuel du film. Elle est fille de deux grands musiciens classiques (Christian Cheret, flûtiste, et Hannah Cheret, pianiste) et m’a souvent traîné à l’opéra. Elle a aussi commencé par la musique puisqu’elle a des diplômes en piano et violon. J’ai travaillé l’aspect visuel du film en écoutant Hans Zimmer et Ludovico Einaudi en boucle, et Elvire a commencé à faire des premiers story-boards sonores. Le visuel et le sonore ont évolué ensemble, musique sur images story-boardées. On a fini par contacter un très bon compositeur, Christophe Menassier, parce qu’enregistrer un orchestre était trop compliqué et qu’Elvire ne maîtrise pas la musique digitale. À vrai dire, mon prochain projet sera de nouveau musical. »
Prophéties du futur
« On est en recherche d’investisseurs pour mon premier long-métrage : Le Dernier Prophète. Sébastien Novac (co-scénariste du court-métrage) peaufine le scénario du long et Michelle, la patronne de UNIT9 Films, va m’aider un peu à rencontrer du monde. Les longs, c’est toujours long a fabriquer, ça peut prendre des années. C’est un projet qui avance, mais au quotidien je m’occupe de mon art, mon prochain clip et UNIT9, ce qui me prend 99% de mon temps ! »
« Je rencontre aussi de nouveaux artistes infographistes et développe l’offre real time de UNIT9. Du coup, je parle à beaucoup de personnes qui font du motion capture ou qui déchirent sur Unreal (moteur de 3D). Rechercher les talents les plus obscurs avant qu’ils deviennent mainstream ou que leurs skills devienent mainstream, c’est mon taf quotidien. Essayer de comprendre tout ce qui évolue, toutes les innovations et ce que les artistes en font. Je dois parler à 2 ou 3 mecs hybrides par jour avec ma RH, et ça dans tous les pays du monde. »
Merci Romain, et bon vent !