Faut-il laisser la politique aux politiciens ?

La république étymologiquement, c’est la chose publique. Elle a pourtant été confisquée par une caste de professionnels qui ne s’illustrent pas vraiment par leur probité, leur pragmatisme ou leur sens pratique. On espère un candidat « issu de la vraie vie », pour balayer une fois pour toute cette nuée d’incompétents. Mais le veut-on vraiment?

Si vous n’étiez pas encore dégoûtés de la politique, vous l’êtes sûrement depuis hier soir. Si vous ne l’êtes pas c’est que vous n’avez pas regardé Envoyé Spécial consacré à l’affaire Bygmalion. On y avait la confirmation que le système monté par l’UMP pour financer une campagne présidentielle qui a coûté 40 millions d’euros alors que la loi n’en autorisait que 20 était connu de tous les acteurs. Hélas, ces acteurs se repassent la patate chaude en affirmant qu’ils n’étaient pas au courant, ce qui les fait passer pour des incompétents ou des menteurs, souvent les deux à la fois. Je pense que tout le monde peut faire des erreurs et que, emporté par l’urgence et les enjeux, l’UMP a pu se laisser dépasser et choisi de tricher (que le politique qui ne l’a jamais fait leur jette la première pierre). Ce que je trouve déplorable n’est pas qu’ils aient triché mais que, mis devant les faits, ils nient en bloc. Ils seraient tous plus grands à mes yeux s’ils admettaient et faisaient amende honorable. Je crois en l’absolution, je ne crois pas en l’impunité. Toute faute commise se paye un jour, directement ou indirectement.

Quand on assiste à ce triste spectacle, commis année après année par la même troupe de mauvais comédiens qui se repassent les rôles, les places et les prébendes dans un jeu de manches qui ne trompe que les dupes qui croient encore que tout cela a une influence réelle sur leur existence, on a envie de renouveau. On espère ce fameux candidat « issu de la vie civile » qui serait forcément élu puisque tout le monde en a assez des professionnels de la politique qui n’ont jamais travaillé dans la vraie vie, ou si peu.

Car il y a des candidats « issus de la vraie vie » à la présidentielle de 2017, mais leur candidature, leurs idées ou leurs programmes sont totalement eclipsés par les deux événements politiques majeurs de la rentrée : les élections américaines et les primaires de l’UMP et du PS.

« Il est sans exemple qu’une révolution ait laissé au pouvoir après elle les hommes qui l’avaient faite. On trouve cependant encore des révolutionnaires. Cela prouve combien l’histoire est mal enseignée. »

Si vous aussi vous en avez marre de la politique, en avez-vous marre au point de prendre le relais ? Tels les révolutionnaires de 1789, mettre le système à terre et remplacer les élites par de courageux citoyens qui deviendront peu à peu de nouvelles élites car la nature a horreur du vide et que c’est ce qui se passe en général. Vous et moi avons tous mieux à faire que de servir un Etat auquel nous donnons une part importante de nos revenus via l’impôt!
Dans tous les systèmes de gouvernement, dès lors que les citoyens ont eu accès à la gestion de la cité, ils ont peu à peu délaissé les bancs de l’assemblée et laissé à des professionnels le soin de gérer les affaires publiques. Comme dit Maurois dans Les Silences du colonel Bramble :
« Le peuple anglais qui avait déjà donné au monde le fromage de Stilton et des fauteuils confortables a inventé pour notre salut à tous la soupape parlementaire. Des champions élus font désormais pour nous émeutes et coups d’état en chambre, ce qui laisse au reste de la nation le loisir de jouer au cricket. La presse complète le système en nous permettant de jouir de ces tumultes par procuration. Tout cela fait partie du confort moderne et dans cent ans, tout homme blanc, jaune, rouge ou noir refusera d’habiter un appartement sans eau courante et un pays sans parlement. » Ce texte (méconnu) date de 1921, c’est le roman de jeunesse de André Maurois et je le trouve d’une exquise justesse.

Quels exemples de gens issus de la vraie vie ayant réussi en politique avons-nous à nous mettre sous la dent ?

Si je me creuse un peu sans remonter aux mérovingiens, je pense à Bernard Laporte, dont la carrière de ministre a été parsemée de bourdes touchantes qu’un rond de cuir de l’ENA n’aurait jamais commises, comme ce discours ouvert par un « Je ne suis pas le père de Zohra Dati » qui a fait rire tout le monde sauf la mère de l’intéressée. Mais dans une actualité plus brûlante, je pense surtout à Donald Trump qui n’est pas exactement le gendre idéal mais dont le mérite est d’avoir mené une candidature atypique en évitant les dépenses somptuaires. Il affronte une politicienne professionnelle qui jouit de l’aura du parti démocrate que nous associons, bien naïvement, à « la gauche » et qui bénéficie donc d’un soutien moral d’autant plus ardent que les candidats républicains font penser à nos propres candidats de droite ou d’extrême droite. Pour revenir à Hilary Clinton, si on l’a longtemps vue comme une personnalité hautement recommandable, la révélation de ses malversations par Wikileaks ainsi que ses récents discours bellicistes la révèlent de plus en plus comme un danger au moins aussi grand que son adversaire. On en vient donc à se dire que ce qui différencie les deux candidats c’est que Hilary Clinton maîtrise suffisamment les rouages et le langage politicien pour avoir caché un jeu que Donald Trump a présenté loud and clear et sans artifices depuis qu’il est en lice.

C’est comme si nous avions à choisir entre Bernard Tapie et Marine Le Pen ! Ou peut-être, pour suivre les prémonitions de Michel Houellebeck dans son roman Soumission, entre Marine Le Pen et un candidat prônant un Islam d’Etat. Vous allez me dire que si vous êtes pro Clinton, c’est parce que Trump est un danger pour le monde. Mais il ne serait certainement pas aussi fougueux dans ses interventions s’il avait usé le fond de ses costards sur les bancs d’une assemblée quelconque…un peu comme un certain Bernard Tapie dont la carrière politique a été un échec tonitruant parce qu’il a essayé d’y imposer sa gouaille de self made man et ses méthodes expéditives d’entrepreneur.

En conclusion

Je doute que des acteurs de la vie civile parviennent à mettre à bas le système, d’une part car il est verrouillé par les acteurs en place qui n’ont pas très envie de renoncer au pouvoir notamment parce qu’ils n’ont pas de carrière en dehors de la politique et d’autre part parce que au-delà d’une révolte molle, nous n’avons pas très envie de laisser tomber nos existences plus ou moins confortables pour consacrer notre vie, ou du moins quelques années, à la gestion de la nation.
Mais surtout, je trouve que la place faite aux hommes et femmes politiques dans les médias est disproportionnée comparée à leur incidence réelle sur nos vies. C’est justement parce qu’ils sont omniprésents dans les médias qu’on a l’impression de leur omnipotence (l’oeuf et la poule, toussa). Moi, ça me rend dingue que ces beaux parleurs squattent les ondes tous les matins pour venir asséner leurs fadaises qui sont ensuite reprises, disséquées et commentées dans les autres médias, sociaux ou non, alors qu’il y a tant de gens qui font des choses formidables dans d’autres domaines et auraient bien plus à nous apprendre. C’est la raison pour laquelle la politique ne m’intéresse plus et c’est aussi pourquoi je n’en parlerai plus dans votre blog culturel préféré!

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