« Lisez les quinze premières pages et vous serez accro. Lisez les trente suivantes et vous vous retrouverez au beau milieu de la nuit, plongé dans votre lecture. Lisez ce livre et le monde réel disparaîtra. » Stephen King
Après voir dévoré Je suis une légende, de Matheson, je ne savais plus trop vers quoi me tourner question SF. A vrai dire, je comprends les gens qui ne lisent pas, pas parce qu’ils ne le veulent pas, mais parce qu’ils ne savent pas ou donner de la tête.
Le nombre de publications par an est gigantesque (presque 700 titres en France juste pour la rentrée littéraire) et nos bibliothèques regorgent d’ouvrages incroyables que nous n’aurons pas le temps de lire en une seule vie. Lorsque l’on cherche un livre sur un sujet précis mais inconnu de nous, on peut vite se trouver désemparé. D’une manière générale, une lecture en entraine une autre, sauf qu’il y a toujours un moment ou il faut commencer.
Je lis depuis ma petite enfance, mais certains domaines restent totalement inconnus de moi : c’est le cas notamment pour la science fiction, et je me disais bien que je n’allais pas vous ennuyer pendant des lustres avec des classiques poussiéreux bien qu’indétrônables dans le genre.
Fort heureusement pour moi, j’ai la chance d’avoir une mère qui prend des risques. Qui essaye des choses, sans avoir peur de la déception ou de perdre du temps – pour ma part, je déteste lire un livre qui n’a aucun intérêt quand je sais que des milliers d’autres m’attendent. C’est ainsi qu’elle m’a parlé, les yeux brillants, la voix enjouée, du Passage de Justin Cronin. Très honnêtement, la couverture du bouquin m’a semblée terriblement rebutante, d’un kitsch absolu comme en trouve souvent dans les Relay de la gare, ou encore chez France Loisirs.
Mais j’ai pris mon courage à deux mains et me suis attelée à ce pavé. Sur la quatrième de couverture, on pouvait alors lire l’avis de Stephen King, repris ci-dessus. Ces messages à moitié publicitaires à moitié propagandistes me font en général doucement rigoler, sauf lorsqu’en l’occurrence, ils sont vrais. Et j’ajoute que j’ai eu parfois envie de courir en rentrant du taf pour retrouver mon cher livre et le monde qui s’ouvrait à moi.
Tout commence dans un futur proche, alors que dans la jungle amazonienne un groupe de malades en phase terminale réalise un dernier rêve de voyage, se trouve attaqué par des espèces de chauves-souris géantes et retrouve miraculeusement la santé pendant un temps… Cela donne l’idée à un « savant fou », aidé de l’armée américaine, de trouver un remède contre la mort. S’en suivent des tests à moitié légaux sur des condamnés à morts, douze cobayes. Bien évidemment, quand on veut jouer à Dieu, on ne réussit pas son coup (on se souvient de l’histoire de la Tour de Babel). Les évènements dégénèrent, les sujets tests se trouvent libérés, et déchainent leur furie meurtrière sur le monde. Cent ans plus tard, parmi un groupe de survivants, va se former l’idée qu’il reste des humains à l’extérieur, et qu’une solution est peut être possible pour éradiquer le mal qui a envahi la planète. Le point commun entre ces cent années est une petite fille, Amy, le treizième sujet de l’expérience scientifique, qui se trouve être immortelle et qui débarque une nuit dans la colonie de survivants pour leur redonner l’espoir de reconstruire le monde…
L’intrigue est forcément complexe, les personnages sont nombreux et leurs histoires s’imbriquent les unes dans les autres formant un puzzle inouï. Dans le souci de laisser planer le suspense, je ne peux guère vous en dévoiler plus. Les parallèles entre science-fiction et religion sont nombreux, donnant de la profondeur à l’histoire. Sans images à la rescousse, le lecteur n’est pourtant pas en manque de descriptions de villes abandonnés ni de cascades en tous genres. C’est un monde qui s’ouvre à nous à travers ce livre, et on a certainement du mal à en décrocher… Il faut dire également que l’auteur, Justin Cronin, n’est pas non plus un monsieur-tout-le-monde, et cela peut rassurer nos lecteurs élitistes effrayés par les couvertures de ces livres, comme je l’ai été, mais aussi par le bref résumé de l’intrigue que je viens de vous faire, et qui semble certes ressembler aux scénarii des blockbusters habituels et ne rend pas justice à ces deux premiers opus… Bref. Cronin à fait ses études à Harvard s’il vous plait, et est l’auteur de plusieurs autres romans beaucoup plus « littéraires ». On ne tombera donc pas dans des facilités ou autres rebondissements tirés par les cheveux, qu’on se le dise. Le bonhomme sait y faire.
La suite, je suis allée la chercher à la Fnac. Rebelote, je me suis retrouvée dans un rayon appelé « Fantastique/terreur » (et ça me fait pas rêver), dans lequel je ne reconnaissais rien. Les couvertures criardes qu’on utilise dans le genre m’ont fait carrément flipper, et quand j’ai trouvé Les douze, j’ai poussé un soupir de soulagement dans ma tête – restons discrets. J’ai quand même fouiné un peu, espérant trouver autre chose, toujours un roman apocalyptique, pourquoi pas, mais peine perdue. J’avais l’impression que tous les autres bouquins étaient mal écrits, imprimés sur du mauvais papier. Bien sur que Justin Cronin m’aurait fait la même impression si je l’avais vu par hasard dans ces rayons… Je me rends compte que j’ai vraiment besoin d’une initiation. Au rayon fantastique, je n’étais plus libraire mais une illettrée à la tête qui tourne devant tants d’inconnues.
Mais entrons dans le vif du sujet. Le deuxième tome, plus axé sur la destruction de ces douze monstres, est extrêmement plus politique. On y trouve de nombreuses caricatures de la démocratie, dans un monde où l’Etat n’existe plus, et dans lequel il faut bien reconstruire un semblant d’ordre, avec les dérives qui l’accompagnent souvent, rien de nouveau sous le soleil : on y découvre avec effroi un régime totalitariste, une mini société qui rappelle les camps de concentration. Enfin, qu’on se rassure, l’intrigue ne perd rien en densité et en intérêt.
Avec un peu plus de 1600 pages pour ces deux tomes, l’investissement en terme de temps est assez énorme je l’admets. Mais il suffit de penser au temps que vous avez passé à regarder The Walking dead, pour réussir à relativiser tout cela : la trilogie en vaut le détour, et le dernier volet débarque en 2015. Les deux premiers tomes de cette trilogie sont un sans faute pour moi, et j’ai grand hâte de me perdre dans la lecture du troisième. On parle déjà d’une adaptation au cinéma, mais pour ma part je ne ferai pas partie des spectateurs, parce qu’il me semble impossible d’adapter, comme souvent, la richesse de ces bouquins au cinéma…
« Ce que tout le monde pense, mais ne dit pas, c’est qu’il n’y a plus de vraie sécurité à partir de maintenant. Le plus drôle c’est que ça ne m’inquiète pas beaucoup. Pas vraiment. J’espère qu’on ne va pas tous mourir ici, bien sûr, mais de toute façon je préfère être ici, avec ces gens, que n’importe où ailleurs. C’est autre chose d’avoir peur quand on a l’espoir que ce soit pour quelque chose. »
Véritablement scotchée, je ne peux que remercier ma mère, à qui il faut bien rendre justice, et vous envoyer cette critique, les yeux dans le vague.
Titre : Le passage
Auteur : Justin Cronin
Editeur : Robert Laffont
ISBN : 978 2 221 11113 0
Et pour le deuxième tome :
Titre : Les douze
Auteur : Justin Cronin
Editeur : Robert Laffont
ISBN : 978 2 221 11114 7