En librairie ce mardi, un livre d’entretiens captivant plonge dans les coulisses du cinéma de genre français, où l’audace se heurte aux préjugés.
Au pays de Georges Méliès, le « cinéma de divertissement » fait paradoxalement « mauvais genre ». Il faut du cran aux cinéastes pour s’aventurer sur les terres escarpées et trop peu foulées de l’horreur ou de l’étrange. Car chez nous, les écrans restent majoritairement squattés par la comédie ou le drame social – un rapide coup d’œil au box-office tricolore suffit à s’en convaincre.

Pourtant, une nouvelle garde se dresse, caméra au poing, bien décidée à déjouer les pronostics et les conventions. Judith Beauvallet, Axel Cadieux et Quentin Mével sont partis à la rencontre de ces irréductibles et livrent leurs témoignages dans un ouvrage audacieux et malin, nommé « Un Genre à soi ». La productrice de Grave vous embarque dans les coulisses du premier long-métrage de Julia Ducournau, tandis que Coralie Fargeat dévoile les secrets de The Substance. Saviez-vous d’ailleurs que le film avec Demi Moore a été entièrement tourné en France ? Ses techniciens viennent même de décrocher l’Oscar pour leurs maquillages incroyablement crados.
L’ironie étant que les plus beaux espoirs du cinéma de genre francophone finissent souvent happés par les sirènes d’Hollywood. N’est-ce pas, Alexandre Aja ? Et c’est avec un léger regret qu’on découvre l’entretien de Sébastien Vaniček, maître des Vermines, qui tourne actuellement son remake d’Evil Dead outre-Atlantique.
« Les plateformes de streaming sont devenues mainstream. »
Tout reste à inventer dans un paysage « genresque » encore frileux, où chaque tentative porte le poids d’un historique inégal et d’une attente « monstre » du public. Réaliser un film est déjà un combat : sortir des sentiers battus relève de l’exploit. Dans ce contexte, l’initiative de Marc Missonnier, producteur aguerri (notamment de François Ozon), est à saluer. Avec son label Parasomnia Productions, en partenariat avec le distributeur Sony, il mise sur une stratégie ciblée pour toucher les amateurs de genre.
Et alors qu’une année cinéma s’achève suite aux récompenses annuelles (César, Oscars), ce livre invite à poser un regard neuf sur ce qui se tourne chez nous. On referme l’ouvrage plein d’espoir, l’œil rivé vers l’avenir – notamment vers Alpha, le prochain Julia Ducournau, qui promet de faire trembler la Croisette une nouvelle fois après sa Palme en Titane.

« Un Genre à soi » – Entretiens avec celles et ceux qui font le cinéma de genre français » est édité par Playlist Society. Il sort en librairie le mardi 11 mars 2025.
Pour conclure, voici mon top 10 du « ciné de genre français ». Haut les cœurs, et n’oubliez pas d’aller au cinéma !
Immortel (ad vitam) (Enki Bilal, 2004)
Haute Tension (Alexandre Aja, 2003)
Méandre (Mathieu Turi, 2020) – disponible sur Paramount+
Trouble Every Day (Claire Denis, 2001) – disponible sur Mubi
La Cité des enfants perdus (Marc Caro & Jean-Pierre Jeunet, 1995)
La Planète sauvage (René Laloux, 1973) – disponible sur Ciné+ OCS
Un couteau dans le cœur (Yann Gonzalez, 2018)
Les Yeux sans visage (Georges Franju, 1960)
Mars Express (Jérémie Périn, 2023) – disponible sur Canal+
Le Pacte des Loups (Christophe Gans, 2001) – disponible sur Netflix
