« A ceux qui me demandent la raison de mes voyages : je sais bien ce que je fuis, et non pas ce que je cherche ». Montaigne a su mettre des mots sur ce que j’ai eu tant de mal à signifier.
Vagabonde, comme lui je m’évade souvent d’une terre qui ne veut pas de moi. Qui me fait sentir, dans tout mon corps, à chaque pas sur son sol, à chaque rafale de vent sur mes joues, que je ne suis pas à ma place ici. Dégage, dégage ! La même rengaine en murmures dans un coin de ma tête. Elle me refuse, me déteste, et je le lui rends mille fois cette haine sauvage. Ainsi je parcours le monde à la recherche d’un endroit prêt à accueillir mes chimères, à m’aimer, et je l’aimerai passionnément. Pour l’instant, je me contente de courtes fugues et de retours forcés en traînant les pieds. J’ai le cœur lourd. La prochaine fois, je partirai plus loin, je m’enfuirai plus longtemps. Et un beau jour, je ne reviendrai plus, parce que j’aurai enfin trouvé.
Il y a un coin de paradis où une mer tiède roule, et son sel colle à la peau. Le sable brûle les orteils, les montagnes découpent le ciel et la forêt les coiffe, kaléidoscope merveilleux de couleurs et d’odeurs. J’oublie un instant le monochrome gris de mon pays. Mon âme pleure à l’idée de retourner d’où je viens.
Et puis il y a toi et ta belle gueule ; tu fais partie de ce paysage fantasmagorique que je m’apprête déjà à quitter. Brève apparition, tu m’as fait rêver pendant quelques heures le dernier soir, avec ton foutu sourire parfait qui chamboule tout ; j’ai eu peur et je me suis cachée derrière mon Mojito, bouleversée et honteuse de l’être autant. J’aurais voulu fondre dans la glace pilée, disparaître sous une feuille de menthe ou me noyer dans l’amertume d’un petit morceau de citron vert. J’ai un peu de peine, des regrets aussi, et de la déception surtout, parce que je sais que tu seras à jamais un inconnu, aperçu par hasard sur la plage dans un bar où l’on passe en boucle de la samba et du reggae. Coup de foudre et désir ; alors pourquoi dois-je partir maintenant ? Les voyages sont cruels et injustes ; j’ai l’eau au bord des yeux. Car j’ignorerai pour toujours ton nom, ta vie, et tout ce qui fait de toi : toi.
Il y a des visages lisses ou ridés, des personnes qui traversent nos vies, qui filent mais qui nous marquent, juste pour qu’on les rêve, et que l’on en fasse ensuite des personnages de fables. Je te cherche encore un rôle, à toi l’inconnu ; sache néanmoins qu’il sera triste.
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Gatrasz
C’est beau… Et ça me rappelle quelqu’un que j’ai connu il y a…longtemps déjà.