Si vous trouvez que l’ère du numérique et des réseaux sociaux livre trop d’informations sur les musiciens, War Nurse est un groupe qui va vous réconcilier avec le mystère.
Si vous déplorez que certains groupes partagent leurs photos de vacances sur la toile. Si vous regrettez l’époque où trouver des informations sur les formations underground était un véritable parcours du combattant et dénicher une photo inédite l’accomplissement d’une quête à côté de laquelle celle du Saint-Graal ressemble à un parcours de santé, vous devriez être heureux d’apprendre qu’il existe encore des formations qui ont fait du mystère et de la dissimulation leur marque de fabrique. Il y a ceux qui cachent leur identité derrière des masques de goules ou de clowns, ceux qui se maquillent, il y a ceux qui ne donnent jamais de concerts, ceux qui donnent des concerts mais ne font aucun enregistrement et les cumulards qui ont élevé un tel mur d’obscurité entre leur identité et leur musique que toute tentative de percer le mystère est vaine.
Originaire du Canada, WAR NURSE est une formation qui refuse de dévoiler la moindre parcelle d’information sur ses origines, l’identité de ses membres, ses intentions. Tenter de dialoguer avec eux, c’est s’exposer à une réponse si énigmatique qu’on en vient à oublier la question posée. J’ai voulu savoir pourquoi WAR NURSE dit avoir été influencé par KVELERTAK, voici la réponse que j’ai obtenu : “The exigent tropes of colder era propaganda are the kvelertak on all ones. Ones are at once in historical submission and progressive resistance to the fragmentary discursive model of this new era of atomized darkness. The Kvelertak is the literal. The literal is the transformation. The transformation is the complex. The complex is the universe of the kvelertak, and vice versa.”
Vous pourriez penser que ce charabia ne dissimule que du vent, mais on peut aussi imaginer que ces artistes, lassés des questions et réponses formatées ont décidé une bonne fois pour toutes que tous ces argumentaires sont chiqués et que seul compte la musique C’est probablement pour cela qu’ils se présentent comme ceci : “WAR NURSE is a union of imagined and real. War Nurse is of no fixed address, of no material world. Festering through psychic cracks, bracing for escape, they look to bring struggle to the forefront. Tension is palpable. Rallying behind cries for power, War Nurse brings no glory. Unified delivery ascending and rupturing with no pause. There is no competition, there is no copy, the copy is the dream.”
Vous l’aurez compris, il n’y a rien à comprendre. Et ce n’est pas le beau site internet tout en noir du combo qui vous apprendra beaucoup plus. Non, décidément, l’univers du groupe se limite à sa musique.
Distress Calling est un pur projet de Metal Industriel où les machines omniprésentes ne masquent pas une instrumentation paradoxalement très organique. La batterie notamment renvoie une sonorité très claire et naturelle, dépourvue de ces effets triggés qui semblent devenus la norme dans bien des productions. Poursuivant leur logique de dissimulation jusque dans le chant, le combo prend soin de dissimuler les voix sont d’énormes couches d’effets et d’habiller ses compos d’échos et de vibrations saturées. Les tempos sont lents. Les boucles musicales hypnotiques ont le bon goût de ne pas s’éterniser. Le résultat est un disque développant des atmosphères, usant de plusieurs artefacts mais n’abusant d’aucun. Il y a des samples, il y a des claviers, il y a des effets synthétiques, mais tout est utilisé avec parcimonie et à bon escient. Le climat industriel est une toile de fonds.
Disque bien construit, bien pensé et bien produit, Distress Calling se suffit à lui-même. Nul besoin de percer leur voile de mystère pour apprécier le concept de WAR NURSE. Cette quête serait d’autant plus vaine que bien souvent, la réalité est plus décevante que l’énigme. Personne n’a vraiment envie de savoir qui se cache sous le masque de Vendetta.