Warren Ellis – Le Chewing-gum de Nina Simone

Warren Ellis, figure emblématique des Bad Seeds de Nick Cave, troque son archet contre un clavier informatique (la plume du millénaire) pour narrer l’histoire du chewing-gum de Nina Simone.

Un livre sur le chewing-gum du souvenir

En 1999, Dr Nina Simone est la tête d’affiche du Meltdown festival à Londres. Alors que l’entame laisse présager le pire, dame Simone retrouve sa puissance et son aura de naguère en performant. La sexagénaire boiteuse redevient la flamboyante chanteuse de jazz, celle qui a posé de nouveaux jalons dans l’Histoire de la musique. Une résurrection, une vraie. Ce n’est ni plus ni moins que « le meilleur concert du monde ». Ellis et Cave évoque ce concert dans 20 000 jours sur Terre. À cette occasion, Warren raconte qu’il a jailli sur scène après le concert pour subtiliser le chewing-gum dont « Doctor Simone » s’est débarrassée avant sa performance, emballé dans la serviette dont elle s’était essuyé le front.

Il n’y avait pas de raison précise, simplement la volonté d’avoir un souvenir physique d’un concert grandiose. Ce chewing-gum devenait ainsi la représentation d’un moment de grâce, éphémère et impalpable. Baudelaire nous avait dit que l’artiste « doit tirer l’éternel du transitoire ». Ellis s’est contenté de mettre en application les propos d’un poète du XIXème siècle, en procédant de façon moderne. En effet, l’ouvrage est parsemé de captures d’écran et autres photographies du téléphone cellulaire de l’auteur. On a ainsi l’impression de faire partie de son intimité en découvrant quelques messages, courriels et autres photographies.

Warren Ellis, auteur du livre Le Chewing-gum de Nina Simone

Confidences et confessions

« It’s fucking religion » dit dans l’un de ces SMS le comparse Cave. Et il a raison. Le chewing-gum est le fondement du livre, mais c’est surtout le rapport à cet objet qui est intéressant. Il sert de prétexte à explorer le passé, se raconter, raconter surtout les rencontres et le rapport à la musique. Ellis est bien conscient du ridicule du fétichisme de cette gomme à mâcher. Elle n’en est pas moins importante, si ce n’est fondamentale dans son rapport au monde.

Le livre est plein d’émotions. La sincérité et la simplicité avec lesquelles Ellis se raconte sont bouleversantes. Le style est simple, comme celui de quelqu’un qui ne se fait pas confiance. Ou comme celui qui sait que son domaine, c’est la musique et qui a l’humilité de ne pas se croire doué dans un exercice qu’il ne connaît pas. Cette simplicité est certainement l’un des atouts du livre. Il en résulte un sentiment de pureté. Ellis se contente d’exprimer ce qui est beau, ce qui le touche, ce qui le rend fondamentalement humain en somme. Le passage où il témoigne de la résurrection scénique de Nick Cave suite à la mort de son fils est-on-ne-peut-plus touchant. Et que dire de celui où il explique le bouleversement que lui procure Beethoven

Peut-être que d’une façon générale, ce livre est un remerciement à la musique. De la découverte du premier instrument dans une décharge aux tournées internationales, Le Chewing-gum de Nina Simone permet à Warren Ellis d’exprimer tout ce que la musique lui a apporté, à quel point elle a changé sa vie, le rapport à son art. En somme, il confesse la gratitude à son égard. Et permettez-moi d’insister sur ce point, c’est très beau.

le chewing gum de Nina Simone

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