Produite et diffusée par Showtime, Who is America ? est une série télévisée satirique dont le premier épisode date du 15 Juillet. Le réalisateur Sacha Baron Cohen – à qui l’on doit l’interprétation de Borat ou encore de Ali G – y dépeint un certain visage des États-Unis à l’ère de Donald Trump. En caricaturant quatre types de personnages, l’acteur part à la rencontre de politiciens, de personnalités médiatiques et d’anonymes citoyens américains. Mais en incarnant divers profils de stéréotypes – truffés de clichés culturels – Cohen est rapidement navrant dans cette série mockumentaire consternante…
La liberté d’expression veut effectivement que nous puissions rire de tout et nous moquer de notre société. Néanmoins, il existe à mon sens des limites, et notamment lorsque nous touchons aux frontières du “potache”. De la même façon, il faut savoir rigoler avec intelligence de certains sujets, et ne pas tomber dans la bêtise pure et dure.
Au générique pourtant accrocheur, Who is America ? a la prétention naïve de nous révéler qui est cette Amérique actuelle en allant piocher parmi un panel de quelques citoyens américains. On y découvre dès le premier épisode l’Amérique suprémaciste blanche qui a voté pour Trump, l’Amérique contestataire du Black Lives Matter, l’importance des armes à feux, les tristes amalgames qui entourent la religion musulmane, le débat sur les médias et les fake news… En bref, autant de sujets qui mériteraient un meilleur traitement que celui réservé par Sacha Baron Cohen.
Clairement, cette série-documentaire ne peut prétendre à dépeindre un visage objectif de l’Amérique à partir du moment où son interprète principal y joue des caricatures simplistes et bourrées de préjugés. Parmi elles, Cohen incarne un expert en anti-terrorisme israélien (Erran Morad), un blogueur conspirationniste d’extrême-droite (Billy Wayne Ruddick Jr) ou encore le Dr Nira Cain-N’Degeocello, théoricien démocrate sur la question du genre qui veut “guérir la fracture” en Amérique.
Ces protagonistes se veulent comiques mais ne le sont pas. Ils sont juste des pastiches de mauvais goût campés dans des déguisements grotesques et camouflés derrière un maquillage voyant. Dans son “jeu d’acteur”, Cohen exagère les traits de ces archétypes sans avoir peur du ridicule alors que nous frôlons pourtant la stupidité. Le “comédien”, qui n’en n’est pas à son coup d’essai dans l’humour bas de gamme, prétend ainsi se railler des citoyens lambda “pro-Trump” ou des personnalités “gauchistes” qu’il rencontre comme Bernie Sanders ou bien encore Ted Koppel.
Malheureusement, rien n’est drôle dans cette affligeante copie d’un Jackass politique. J’ai même eu l’amère sensation de regarder une nouvelle version de Surprise sur Prise, un show TV qui s’est pourtant arrêté à la fin du XXème Siècle et qui n’a plus lieu d’être dans les années 2010.
Comme dit plus haut, il faut savoir rire avec intelligence de certains sujets ou de certaines thématiques. De mon point de vue, la caricature du militant “transgenre” pro-Clinton ou de l’israélien “anti-musulman” frôle l’homophobie et le comique stéréotypé qui flirte avec le racisme. De la même manière, que cherche à nous dire Cohen derrière cette farce ? Quel est son message ? Que critique-t-il au juste ? L’acteur semble se moquer de tout le monde sans se positionner clairement.
Autrement dit, nous avons à boire et à manger dans ce menu “malbouffe” que représente Who is America ? Rien n’est à garder parmi les six épisodes déjà diffusés. Ni premier degré, ni second degré. Sacha Baron Cohen est bien trop prétentieux à vouloir dépeindre la société américaine ou se moquer de ses semblables. Il lui manque effectivement un soupçon de finesse et un chouïa de justesse. Nous sommes trop loin du sarcasme mesuré et pensé d’un Michael Moore. Nous restons à mille lieux du percutant This Is America de Childish Gambino qui, en l’espace d’un seul clip musical, a su saisir l’état d’urgence dans lequel se trouve la société américaine.
En surfant sur les préjugés culturels et les clichés évidents, Sacha Baron Cohen ne fait que cautionner ce qu’il veut remettre en question, à savoir l’idiocratie humaine dont il est (au final) un fidèle représentant. Ses caricatures, dignes d’un mauvais Guignol, ne font qu’alimenter la division dont est témoin actuellement la population américaine quant à ses propres valeurs culturelles. C’est paradoxalement ce que ce show TV veut pourtant soulever – et remettre en cause – en constatant cette fracture sociétale qui voit le populisme émerger aux portes de nos démocraties.
En fin de compte, Who is America ? nous fait l’effet d’un Jack Daniel’s que l’on mélange avec du Cola : ça n’a aucun intérêt, si ce n’est de gâcher le goût d’un excellent bourbon.
J.M