Georges Brassens, punk avant l’heure

Georges Brassens aurait eu 100 ans le 22 octobre dernier et nous commémorerons les 40 ans de sa mort le 29 octobre prochain. Tout le monde en parle, cela n’a pas pu vous échapper. Mais ce que l’on dit moins, c’est que si ses mélodies n’ont pas franchement bien vieilli, ses paroles sont restées très revendicatrices et subversives. Prenons quelques minutes pour lire entre les lignes de l’anarchiste qui se cache derrière le poète populaire.

Georges Brassens
Georges, sa pipe et sa guitare.

« Ceux qui ne pensent pas comme moi sont des cons. »

Je me souviens encore aujourd’hui du son de la guitare syncopée, reconnaissable entre tous, que mon père écoutait à la fin des années 80. C’était celui des disques de Georges Brassens qui tournaient en boucle sur l’électrophone de la maison. À l’époque, cela m’était insupportable. Alors je m’enfermais dans ma chambre pour écouter les Bérurier Noir ou les Ludwig von 88 en montant le volume à fond pour étouffer la voix du vieux moustachu mort depuis 8 ans déjà. Mon papa rentrait alors en furie en m’ordonnant de baisser cette musique de jeunes décérébrés. Ce à quoi je répondais que sa vieille idole était dépassée et qu’elle me donnait envie de me pendre.

« Pour reconnaître que l’on n’est pas intelligent, il faudrait l’être. »

Avec le recul, je me rends compte que mon père et moi nous trompions tous les deux. En réalité, nous écoutions la même chose lui et moi, sous des formes différentes. La guitare sèche était remplacée par la guitare électrique, la pipe par de la bière tiède et les décasyllabes par des rimes plus approximatives. Mais dans le fond, les paroles évoquaient les mêmes sujets, le même ras-le-bol de la société de consommation, la même envie de révolte.

« Dieu, s’il existe, il exagère. »

Il suffit de lire le texte de La Mauvaise Réputation pour comprendre à quel point Brassens était, à l’instar des punks, anticonformiste et critique envers l’autorité et la bourgeoisie. Les trompettes de la renommée est également significative. On pourrait décrire cette chanson comme un gros fuck à l’industrie du disque qui voulait se servir du bon vieux Georges comme d’un pantin publicitaire et accumuler de l’argent. Enfin, Hécatombe est un titre peu connu du chanteur, ce qui est dommage car c’est de loin le plus anar’ de son répertoire, celui où l’on perçoit le mieux son penchant libertaire, son côté « ni Dieu ni Maître ».

2 minutes punk par Georges Brassens !

« J’essaie de ne pas me laisser séduire par les slogans. Nous vivons à l’époque des slogans. Précisément, chacun nous promet un petit paradis. Le seul paradis que je préconise, moi, c’est le paradis de l’individu qui a sa liberté, même dans la société actuelle et même dans une société pire. »

Car libertaire il fut et pas qu’un peu ! Antimilitariste, anticlérical, il s’est impliqué pleinement dans le milieu anarchiste en écrivant plusieurs chroniques dans le journal Le Libertaire, dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Ses articles sont d’ailleurs d’une virulence extrême envers toutes les institutions portant atteinte aux libertés individuelles. Il s’en prend notamment ardemment à la police ainsi qu’à la gendarmerie.

« Un anarchiste est un homme qui traverse scrupuleusement entre les clous, parce qu’il a horreur de discuter avec les agents. »

Alors quand je vois aujourd’hui que notre ministre de l’intérieur cite Georges Brassens sur les réseaux sociaux, je me dis que ce dernier, si toutefois il peut voir ça, doit rire de bon cœur. Quoi qu’il en soit, j’invite la jeunesse à découvrir Brassens, au travers de ses textes. Je comprends aisément que si tu es fan du groupe Bodega, par exemple, tu n’aies pas envie de te fader un album du grand Georges, mais lis-le au moins. Et d’une manière générale, intéressez-vous à la musique qu’écoutent vos parents ainsi qu’à celle qu’écoutent vos enfants. Vous serez peut-être surpris par la proximité du fond, même lorsqu’il est caché par la forme.

Toutes les citations insérées dans cet article sont de Georges Brassens, ça va de soi.

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