Pub.
Avec un scénario bien construit (presque trop), de bons acteurs, du mouvement, de la testostérone, du sang et de l’espoir, le dernier Audiard a tous les atouts pour séduire. Même si on a connu le réalisateur plus en forme avec des films comme Sur mes lèvres, De battre mon cœur s’est arrêté ou encore Un prophète, Jacky sans se surpasser, nous livre un film qui parle avec ses tripes.
Dans le Nord, le pays de la fricadelle, de la bière, des beaufs, des lepenistes et des consanguins (dixit les supporters du PSG), bref, de la perle française, Ali est à la rue avec son fils, Sam. C’est la merde, ils ont faim et l’amour paternel, Ali ne connaît pas. Tout est sauvage, animal, primaire, donc c’est l’instinct de survie qui prime. Il protège son gosse parce que c’est comme ça, et ça doit l’être, mais sans aucun surplus de sentiment. On a cerné le héros, et c’est cette attitude qui le caractérisera tout le film, pour le meilleur et pour le pire. Ali ne feint jamais et réfléchit peu, ce qui en fait un humain autant qu’une bête.
Il s’installe chez sa sœur à Antibes, trouve du travail. Il est videur dans une boite de nuit. Il croise Stéphanie, jupe ras la moule qui se fait traiter de pute et frapper au milieu de la boite. Ali, réagit direct et vient à la rescousse de la belle. Elle lui plait, il la ramène chez elle sans dissimuler son attirance et ce qu’il pense de sa tenue de Marie couche toi là. Il lui laisse son numéro et part car le mec de Stéphanie n’apprécie pas sa présence mais ne se bat pas pour sa belle. Stéphanie aime séduire, la testostérone, les vrais mecs et son boyfriend ne semble plus faire l’affaire. En bref, elle lui dit d’aller se racheter une paire de couilles.
La vie continue jusqu’au jour où Ali reçoit un coup de téléphone de l’héroïne Cotillard. On ne va pas sortir les cotillons car elle vient de se prendre un orque en pleine figure et de se faire bouffer les jambes. Ce qui ne te tue pas te rend plus fort, devise qui va parcourir tout le film peut se mettre en place.
Ali est au courant, il a vu les infos. Ils se revoient. Il la traite comme une personne normale, presque trop. Mais aura-t-on le droit à une véritable romance entre la belle handicapée et la bête..? La bête restera-t-elle bête ?
De rouille d’os est un film physique, viscéral. Mais les actions menées par les personnages ainsi que leur évolution sont presque au delà de la réalité. Audiard semble même, à certains moments, caricaturer son propre style en exacerbant ses ressorts scénaristiques types. A force de pousser dans la quête de soi, mettre ses personnages en péril, le chemin de la rédemption et la prise de conscience en deviennent presque grossier. Finalement, ce sont les moments de pauses narratives qui ne doivent pas forcément faire sens, qui sont les plus beaux. Les pauses sont rares car le temps est traité d’une manière assez particulière et permet au réalisateur de tricher avec son spectateur, de faire avancer sa narration beaucoup plus vite qu’elle ne devrait. Pourquoi pas mais ça sonne comme une facilité, une manière de se débarrasser de ce problème et d’arriver plus vite à l’objectif final.
Sans aucun étonnement, les acteurs sont bons. La technique du « Marion je te coupe la moitié des jambes » donne une présence, un jeu beaucoup plus physique, stigmatisé par cette lutte du quotidien. Le réalisateur se sert à bon escient du jeu notre actrice performeuse. Matthias Schoenarts, est au top, viril et en forme. Il s’impose devant la caméra, prend toute la place, comme tout acteur belge qui se respecte. En France, nous on a pas ça. Ca doit être les frites et la bière, qui donnent une stature, et une présence que nos Louis Garrel et compagnie n’ont pas. Faudrait arrêter le café crème et votre kir royal, les mecs, c’est pas avec ça que vous allez gagner du coffre et vous imposer un peu. Les seconds rôles appuient le jeu des acteurs et ancrent davantage le film dans la réalité. Ils permettent de plonger nos personnages au coeur de la société, afin d’éviter de trop les isoler dans leur relation et leur évolution.
De rouille et d’os malgré quelques défauts bénéficie grâce à ses belles images, la vitalité de ses personnages et de l’espoir qu’il porte, d’une certaine puissance aussi forte que l’intransigeance, la bêtise et la sincérité d’Ali. Jacques Audiard nous signe encore une belle démonstration de virilité.