Kikobook / Autobiographie de Gérard Kikoïne

On prononce Kiko – ine et en général quand on a la quarantaine radieuse, on a vu au moins un de ses films sur Canal +, en clair pour les plus chanceux, le premier samedi du mois à 0h00

Moi non. Mon premier Kikoïne c’était The Tales of Tiffany Lust, l’un des films de sa période américaine avec la pulpeuse Vanessa Del Rio animant un talk show très très show où l’on joint le geste à la parole.

Je l’ai vu chez un pote en cinquième. Il avait la cassette vidéo on l’a maté en bande, la pire situation possible pour regarder un porno, avec le trio de filles qui savent pas comment elles sont arrivées là et qui gloussent connement pendant que les mecs essayent de cacher leur gaule et se touchent discrètement à travers la poche du jean.

En lisant le Kikobook, j’ai réalisé que j’en avais vu d’autres, notamment Adorable Lola (1981) et sa scène de train tournée en totale roue libre et sans autorisation préalable. « 8h du matin, on est dans le Paris-Angers. Dans le rôle du faux contrôleur, Franck Rosenblum qui ne doit pas se faire surprendre par le vrai contrôleur, mais gère aussi le trafic des autres passagers. Tout le monde est sur le qui-vive. Les assistants font le guet pour veiller à l’arrivée des vrais contrôleurs. Nous avons le temps d’un aller-retour pour tout filmer. Sous le regard fasciné de Laurence Boutin, l’incroyable Piotre nous fait une cascade dont il est le spécialiste : l’auto-fellation. » (Toutes les citations sont extraites du Kikobook).

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Cette bio, c’est un peu spécial. Gérard Kikoïne y a passé pas mal de temps, il avait un éditeur, il lui manquait juste un financement pour l’impression, il a donc lancé une campagne de crowdfunding sur Ulule (souviens-toi fidèle lecteur, j’en avais parlé sur ton blog favori il y a un peu plus d’un an : https://anotherwhiskyformisterbukowski.com/2015/03/11/gerard-kikoine-te-propose-de-financer-sa-bio-nsfw/ ). Comme j’étais attiré par les prix proposé, j’ai moi-même contribué (ce qui me vaut de disposer d’une édition numérotée et dédicacée et d’être crédité au générique de fin, Ô joie). J’avais prévu d’interviewer Gérard Kikoïne, on avait même prévu de le faire à deux avec Garbage Clown, il ferait la partie ciné traditionnel et moi les films pour adulte (que Gérard Kikoïne appelle ses films d’amour). On ne l’a pas fait, parce que la vie est faite d’aléas et d’occasions manquées. Mais quand le livre est sorti et que j’ai reçu mon exemplaire, je l’ai dégusté et je t’en parle aujourd’hui parce que c’est pas juste un livre avec des photos de cul. C’est la biographie d’un homme de cinéma qui a passé sa vie dans ce milieu et qui se raconte sans tabou, sans langue de bois et sans se la péter.

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Car le porno de ces années là, c’est un peu celui qui est raconté aussi dans Boogie Night (le film sur John Holmes avec Marc Walberg), c’est un genre qui a eu son heure de gloire, qui a pas mal muté avec l’avènement de la vidéo et encore plus avec internet. Avant, les porno, c’était des films avec du cul dedans, mais pas que, parce qu’il fallait tenir le spectateur en haleine pendant toute la séance et si tu as déjà regardé un film de cul en entier, tu sais bien que passé la première demi-heure, l’intérêt a tendance à s’évaporer vu que tu as déjà donné le meilleur de toi-même à 1,2 ou 3 reprises pour les plus endurants…. Les films de Kikoïne et d’autres réalisateurs de cette époque essayaient de raconter quelque chose, pour donner du corps à leurs compositions. On ne se retrouvait pas dans une position acrobatique par hasard, il y avait un background, des décors, un jeu d’acteur, des dialogues bien léchés. « Les gens pensent que dans ce milieu, on ne réfléchit pas, mais nous faisons des films ambitieux, ou qui se voulaient tels. Dialogues qui tuent, cadrages audacieux, j’appelais ça « mettre de la matière grise dans un scénario » ».

Si la video n’a pas tué le porno, avec internet, il ne ressemble plus à grand chose, en tout cas plus à grand chose d’aussi excitant et rigolo que sa version des années 70 et 80. A cette époque, c’était aussi underground que le Stoner Rock de nos jours. On pouvait être une star du porno et mener une vie normale. Il faut dire que l’époque était plutôt au naturel. Le silicone et l’abricot rasé n’étaient pas à l’ordre du jour. C’est pourquoi le Kikobook est une plongée nostalgique dans un cinéma qui n’existe plus et qui proposait quelque chose d’autre à des adultes matures et raisonnables (que celui qui n’a jamais maté un porno, ni eu envie de le faire, me jette la première pierre).

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Sur 350 pages, le Kikobook raconte tout ça. Mais il parle aussi de la façon dont sont faits les films, les tournages, les décors, la production…c’est un livre de cinéma qui parle sans détours et illustre son propos, ce qui réserve sa lecture à un public averti et majeur. « Nous tournons les scènes hard sans son du tout, ce qui permet de diriger les « cascadeurs » en live pendant la prise (…) ça donne à peu près ça : « Non, Cocotte, ralentit la pipe…tu vas me le faire jouir tout de suite…Donne de la joue…Oui, là…lèche lui les couilles maintenant. Toi, Alban, fait gaffe, on monte sur ton visage…Joue-moi l’extase. Bon, Alban, tu la tournes et tu vas la prendre en levrette, toi Cocotte tu te cambres un max. Alban : – Kiko, tu veux la pénétration ? Moi : – Oui, on va faire un gros plan, coupez. »

Le livre est en vente sur le site de l’éditeur au prix de (devinez)….69 € : Les éditions de l’oeil.

« Alban Ceray dit ‘l’antiquaire » (sa première profession), dit « le Bernard Pivot du Hard » (c’est vrai qu’il y a une ressemblance), dit « Le Gentleman » (pas besoin de vous faire un dessin) : la classe et l’élégance personnifiée. Toujours d’humeur égale, charmeur impénitent, bandard fou, mais pourvu d’une certaine éthique….une référence C’est sans doutes le mec le plus lucide de ce métier lorsqu’il parle de lui, du cinéma X, de ses rapports au cinéma français dit « traditionnel ». Je le cite : « Aux gens du métier qui nous méprisaient, nous les hardeurs, j’avais envie de leur dire que les avances qu’ils touchaient du CNC pour leurs films « sérieux » avaient tout de même un peu le goût de ma queue. »

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