Nos webzines et magazines sont alimentés par bon nombres de photos d’artistes, live, portraits… Mais qui sont ces photographes ? On a posé nos questions à Titouan Massé.
Rencontre avec l’un des meilleurs de sa génération.
+ Depuis quand officies-tu dans le monde de la photographie ?
Techniquement j’ai démarré en 2010 en partant de zéro. On va dire que professionnellement 2014 a été une année charnière.
+ Tu parles de 2014 et cette année charnière, ça veut dire qu’avant cette année-là tu ne savais pas si ça pouvais devenir ton métier ?
J’avais pas spécialement d’envie. C’est vrai que c’est toujours agréable de pouvoir vivre de sa passion. Je dirais que de 2010 à 2014 je me formais, c’était une période de « mise au bain », d’imaginer ce que je pouvais faire de ça, me faire un réseau, faire un max de concerts. Je suis photographe dans le milieu de la musique (concerts, évènements…) et il y a un petit temps d’adaptation et de formation.
+ Qu’est-ce qui te fascines le plus dans ton travail de photographe ? Est-ce que c’est la rencontre avec les artistes ? Est-ce que c’est le shoot parfait ? L’adrénaline de la rencontre ?
C’est un mix d’un peu tout ça. J’aime beaucoup aussi la partie portrait puisque ça me permet de rencontrer des groupes, d’échanger avec eux, de créer autre chose.
Finalement tu peux être photographe de concerts sans jamais rencontrer les artistes. Je trouve ça aussi interessant de discuter avec eux, d’apprendre à les connaitre. C’est souvent ça qui me fait avancer dans le travail et aussi de pouvoir en vivre. Les portraits ça permet aux groupes de pouvoir communiquer. Pas mal de groupes m’achètent mes photos pour la presse etc etc…
+ Les concerts, c’est quelque chose que tu pratiques depuis l’enfance, quel a été le déclic pour te dire « C’est ça que je veux faire » ? Et surtout foncer dans ce créneau de concerts / artistes ? Est-ce qu’il y a eu un concert en particulier qui t’a donné l’envie ?
Je dirais pas forcément qu’il y en a eu un en particulier. Ça s’est fait très naturellement. Effectivement j’allais beaucoup en concerts, j’écoutais beaucoup de musiques. Je fais de la radio aussi depuis 2010. Ça a été souvent très complémentaire la radio et la photo. Au départ c’était dans un but de partage, de parler musique, de mettre en avant les artistes que j’aime. La radio ça me permettrait d’en parler et la photo de montrer en live. J’aime beaucoup faire des photos du public aussi. Les deux matchent bien.
+ Qu’est-ce qui est le plus difficile dans ce métier ?
En vivre c’est hyper compliqué. Faut trouver le mix parfait entre prendre du plaisir tout en étant en bon lien avec les groupes. Parfois quand le coté pro arrive et qu’on parle d’argent du style : « Ah ouais elles sont supers tes photos, est ce qu’on peut les utiliser ? «
Bah ouais ok mais c’est mon métier en fait. Pendant longtemps ça me chagrinait un peu quand un groupe comprenait pas que mes photos, je ne pouvais pas les donner comme ça, tout simplement parce que c’est mon taf.
Tu te dis merde ça se trouve je passe à coté d’un truc, il pourrait se passer quelque chose avec ce groupe etc etc…
Finalement faut continuer à avancer si les gens ne comprennent pas tant pis. Ça m’arrive aussi parfois, selon la « notoriété » du groupe, si c’est un jeune groupe qui démarre, de leur filer mes photos.
Aujourd’hui je fais des photos où je suis très bien payés, j’accepte aussi de soutenir certains.
Mais je leur explique aussi que c’est pas tout le temps comme ça.
+ Meilleur souvenir de shooting ? Le pire ?
Il y a eu beaucoup de shooting. Il y a toujours des moments un peu étranges où parfois les artistes n’ont pas envie. Ça arrive parfois que les artistes sont pas conscients de ce que tu fais, ton travail etc etc… Quelquefois ils sont beaucoup demandés, interviews etc etc… Et sur le moment il y a la flemme qui entre en jeu. Ça peut arriver que ça soit gênant. Les choses se faisant, ils voient ton boulot, le résultat, ils sont plutôt contents. Pour te donner une petite anecdote récente, la semaine dernière je suis parti en Autriche suivre un enregistrement. C’était de la musique baroque avec un répertoire assez rigoureux en terme de chant. Quand on est arrivé le chanteur me dit: « Bon demain tu vas faire des photos pendant combien de temps ? 10 minutes ? «
Je lui explique que je suis là pour la journée, que le label m’a engagé pour faire ressortir quelque chose sur son ensemble. Il a été un peu dur au départ et puis quand il a s’est rendu compte qu’on n’était pas là pour rien qu’on savait ce qu’on faisait, il est venu en fin de journée pour s’excuser et on a finit sur un très bon moment.
Ce qui est important je pense, c’est d’arriver à se faire comprendre. C’est pas que de la photo, il y a pas mal de discutions, de mise en place, tout un univers.
+ J’ai lu qu’il y avait eu un shooting avec Baxter Dury un peu difficile lors de son passage à La Route du Rock, tu n’a fais qu’une seule photo ?
il y avait eu plusieurs photos en réalité mais pas plus de 2/3 clics. Il sortait d’interview, il enchainait avec une autre. Ça arrive parfois qu’il y ai des groupes qui n’ont pas envie. Je pense notamment à un shooting avec Mr Oizo où lui me proposait de faire seulement 2 clics et je lui ai dit: « Bah non tant qu’a faire on va en faire qu’un « . Ça l’avait fait marrer et j’avais fais cette photo, ce clic. On avait finit par discuter. La fois suivante où je l’avais recroiser on avait refait ce fameux clic.
+ Tu n’as pas encore eu l’occasion de travailler avec lui pour le cinéma ?
(Rires) Non pas encore, mais c’est vrai que ça serait vraiment cool.
En tout cas il y a quand même 95% de bons moments, il ne faut garder que ceux là.
+ Qu’est-ce qui selon toi est important pour qu’une photo soit réussie? Est ce qu’il y a une part coté photographe ? Le groupe doit être enthousiaste , La bonne lumière ? Comment ça se passe ?
Quelquefois il n’y a pas besoin de grand chose, l’énergie est là. Par moment, moi le premier, je suis pas très à l’aise face à un appareil photo. Ça demande un peu d’aide. Je dirige souvent mes sujets. Quand je sens qu’ils ne sont pas très à l’aise j’ai mes petits tips. Par exemple, je leur demande de fermer les yeux, de souffler. Ça permet d’oublier qu’on est face à un objectif. Pendant ce temps là, ça me permet de cadrer. En général quand je fais poser les artistes à un endroit, je sais déjà où je vais parce qu’il y a une certaine lumière, une atmosphère. Ça m’arrive d’utiliser un peu le flash aussi.
+ Tu es le photographe officiel de La Route du Rock depuis 2021. Cette année le festival t’a donné une visibilité encore plus importante avec l’exposition à la tour Bidouane. C’était une sorte de consécration pour toi ? Comment l’as-tu vécu ?
J’ai fais une expo à la maroquinerie (salle parisienne) il y a 1 an qui a quasiment duré 3 mois et demi. Ça a donné pas mal d’idées à d’autres. Derrière j’ai exposé à la Sirène de La Rochelle, à l’Atabal de Biarritz.
Suite à mon expo de Biarritz, il y a François Floret, le directeur de La route du Rock qui m’appelle pour me proposer d’exposer au festival. On en a discuté et il trouvait, avec son équipe que ce soit naturel que ce soit moi cette année. J’étais très flatté. Je vais à Saint Malo depuis 2008, ma première Route du Rock. J’en ai quasiment raté aucune depuis 2010. C’était un réel plaisir d’exposer la bas, on a fait ça bien.
il y avait quasiment une 50ène de photos exposées. Le lieu était magnifique, dans la tour Bidouane, à l’intérieur de la vieille ville de Saint Malo. C’était une lieu ouvert au public sans entrée payante. 25000 personnes ont pu voir l’expo sur 1 mois. Sous les photos, j’expliquais en quelques lignes un peu l’histoire de ce clic. Je trouvais ça interessant pour que les gens comprennent ce qui se passe. J’ai eu plein de supers retours.
+ Tu as eu la chance de suivre John Dwyer et sa bande cette année. Tu nous racontes ?
Ça fait longtemps que j’écoute les Osees. On a eu l’occasion de se croiser plusieurs fois depuis 2011. C’était un de leur concert j’avais pu faire quelques photos.
Post covid, il y a eu la tournée de Novembre 2021. Ils enchaînaient Paris, Bordeaux et Biarritz. J’avais déjà échanger avec John puis il m’avait donné son mail. Je me suis dis: « Bon allez je lui écris ça fait des années qu’on se connait « . Je savais qu’il appréciait mon travail.
Donc je lui envoie ce mail en lui expliquant que je peux être disponible sur quelques dates de cette tournée. John, c’est quelqu’un qui aime bien être tranquille quand ils sont en tournée. Il n’y a que le groupe dans le camion. Le véhicule c’est le même tout le temps en Europe. C’est le leur. il est adapté au groupe, n’y entre que leur matos pile-poil. Je m’étais débrouillé pour prendre mes billets de trains. Il m’a dit: « Bien sur, viens « . A la suite de ces 3 dates il m’a acheté quelques photos, Il y en a même une qui est dans l’album « A Foul Form » que j’avais prise à Bordeaux. De là, on a rebosser ensemble en Juin de l’année suivante puis ils m’ont proposé de les accompagner à Austin pour le festival Levitation, qui est l’un des plus gros festival de psyché au monde. Je rêvais d’y aller depuis longtemps. Ils ont joué 4 soirs de suite. C’était incroyable. On s’est recroisé cet été à La Route du Rock et à Malaga, dernière date qui venait clôturer la tournée d’été. Que du cool. Il y a des petites choses qui arrivent pour l’année prochaine. C’est génial de pouvoir travailler avec un groupe comme ça.
+ Un concert des Osees, c’est quand même une expérience particulière que ce soit sur scène ou même dans la fosse. C’est pas compliqué parfois de les shooter ? Tu reçois un peu de bières ?
(Rires) Clairement ! Ça c’est très régulier, des gobelets sur la tête, de la bière sur le matos. C’est pas rare que je prévois un T-shirt de rechange pour après.
+ La radio. Tu en fais toujours ?
C’est compliqué. J’ai eu un mois de Septembre très chargé. On doit se rappeler avec Canal B pour voir un petit peu sous quel format je pourrais reprendre. Mais en tout cas ça me parait compliqué de continuer en hebdomadaire.
+ Quels sont tes projets pour l’avenir ?
Il y a des trucs en cours. Potentiellement une tournée avec un groupe français pour 2024 mais je ne peux pas te dire qui encore.
Je vais normalement exposé à l’Aéronef à Lille début 2024. Une autre expo au printemps aussi. Pas mal de festivals. Je travaille avec un label de musique baroque. J’ai pas mal de choses prévus avec eux.
+ Pour finir, as-tu un groupe où un.e artiste avec qui tu aimerais bosser ?
J’en ai déjà fais pas mal mais c’est vrai que j’aimerais vraiment partir en tournée avec les Osees. Allez dans le camion, pouvoir les suivre. C’est un truc dont on parle. J’aimerais beaucoup que ça se fasse.
Photos dans l’ordre d’apparition par Titouan Massé:
Stu Mackenzie / King Gizzard and The Lizard Wizard
Titouan Massé
The psychotic monks
A place to bury strangers
Phoenix
Ollie Judge / Squid
John Dwyer / Osees
Protomartyr