Tous feux, tout flamme

Cette nuit-là tu t’es réveillé, mais ce n’est pas le bruit de ta sonnerie de portable qui t’a fait bondir du lit. Une pierre, une énorme pierre qui aurait pu te mettre K.O., est passée à travers la vitre de ta chambre, pour atterrir délicatement sur ton bureau.

T’as pas compris ce qu’il se passait. Tu t’es dit que ce n’était sûrement pas un pote qui t’appelait pour faire le mur, quand même, sinon ce n’était pas très classe de sa part de s’y prendre ainsi. Non, tu t’es posé des questions. Et t’as eu la super bonne idée de passer la tête par la fenêtre.

Une mare de feu dans la ville, un véritable brasier. Des gens qui courent, qui crient, qui brisent tout. Couverts et cagoulés, l’anonymat leur a fait perdre la tête. Tu ne comprends pas ce qu’il se passe. Des gens courent. Fuient. Crient.

C’est la guerre ?

Et l’épicerie de ton père ? Est-ce que tout va bien ? Ce serait trop beau pour être vrai. Lui qui avait pris des vacances en France, après dix mois de travail épuisants, 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Tu es descendu. Et là, tu t’es dit que tu aurais préféré te prendre cette pierre plutôt que d’avoir à affronter ce spectacle.

Plus d’étagères. Renversées, saccagées, juste des planches en bois écrasées comme un kit de meuble Ikea à monter. Des brisures de verres. De la nourriture, éparpillée de partout. Un peu de sang aussi. Mais surtout, plus rien. Plus de conserves, plus de pâtes, plus de riz, plus d’alcool, plus de surgelés, plus de cannettes, rien, jusqu’à la dernière boîte de Tictac.

Un bruit, un cri. Vaut mieux pas rester là. Fierté mise de côté, tant pis pour le pyjama caleçon matelot et marcel dégueu. On sort d’ici. On prie. On prie pour un peu de chance dans le malheur.

Le lendemain, ton père au téléphone. Il a regardé la télévision française. Il te demande si ça va. Il a l’air optimiste. Cela te brise le coeur, et rend la chose encore plus difficile à annoncer.

Et puis tu entends ta mère qui pleure derrière, et au final tu sais que ton père sait bien ce qu’il s’est passé. Il te demande si le magasin va bien. C’est la première fois que tu ne réponds pas à tes parents.

Alors tu fonds en larmes.

1 Comment

  • @joueurs
    @joueurs

    je dois être sensible…moi aussi j’en ai eu une petite (de larmes)…
    Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
    Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir
    rentrer dans son endroit, son commerce qui représente tant de travail, d’ennuis, de joies et voir tout par terre….refaire et sourire comme si il ne s’était rien passé mais avoir mal au dos pendant 2 mois car le corps s’est solidifié comme pétrifié par ce qu’il a vu…
    bisou

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