Rouge Connemara de Seamus Smyth, cruel et efficace

Avec Rouge Connemara, l’irlandais Seamus Smyth produit un roman noir cruel et très efficace. Un petit bijou d’inventivité criminelle.

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Bonjour et bienvenue dans « un dernier livre avant l’apocalypse nucléaire », la chronique littéraire bimensuelle pour bien choisir ses lectures en attendant la mort dans d’atroces souffrances.

Les exercices de démonstration des forces stratégiques se multiplient et vous ne savez plus quoi lire ?

On prépare les ripostes nucléaires et vous êtes en quête d’un bon bouquin ?

L’horloge de la fin du monde approche dangereusement de minuit et vous ressentez le besoin d’une lecture solide, puissante, et réconfortante ?

Pas de panique, nous sommes là pour ça. Cette semaine : Rouge Connemara de Seamus Smyth.

 

Si j’ai choisi ce livre, c’est uniquement parce qu’après trois verres de whiskeys intercalés entre quatre pintes de stout à l’O’Connell’s, j’ai lancé : 1°) ma fléchette dans le lambris à plus d’un mètre de la cible, et 2°) le pari un peu stupide de lire le plus de romans possibles avec « Connemara » dans le titre. Merci donc de bien vouloir me faire vos suggestions d’œuvres pour les prochaines chroniques en commentaires.

Il se trouve que j’avais déjà lu ce bouquin il y a quelques années, et je crois me souvenir que c’est parce que son auteur avait été vivement recommandé par Ken Bruen dans une de ses interviews. Si vous êtes familiers du célèbre écrivain natif de Galway, ça devrait amplement suffire à vous convaincre. Sinon, vous pouvez toujours lire ce qui suit, par le légèrement moins célèbre plumitif issu du 5-3. PAYS-DE-LA-LOIRE INDEPENDAAAAAANTS !!!

En réalité, j’ai choisi de relire Rouge Connemara parce que dans ma tête d’étranges connexions s’étaient créées alors que je regardais la « sympathique » série The Fall avec Gillian Anderson et avec ma femme (je vous laisse deviner laquelle était dans mon canapé et laquelle jouait dans la série), qui se passe en Irlande du Nord.

Rouge Connemara –  Red Dock dans la langue de Shakespeare, ou plutôt dans celle de Joyce, puisque vous l’avez compris, ça se passe en Irlande –  est un polar noir, cynique et sans concessions, avec une touche d’humour. Bref, tout ce que j’aime. Say no more !

L’auteur aborde son récit selon trois points de vue qui alternent au fil des chapitres : celui de Red Dock, le personnage central de l’histoire, celui de Lucille, une jeune femme de Galway, et enfin celui d’un artiste surnommé « Picasso » pour des raisons que je vous laisse découvrir. À chaque personnage, son propre style : alors que Red semble sortir d’un film d’Audiard, Picasso a un registre de langage plus élevé, même assez bourge sur les bords ; quant à Lucille, elle s’exprime dans le style plutôt gai et joyeux d’une jeune femme de vingt ans qui découvre l’indépendance.

On y suit le parcours de Red Dock, un truand très malin, un gangster qui réfléchit à la vitesse de la lumière et qui sait toujours tirer le meilleur parti des situations dans lesquelles il se trouve ou des personnes qu’il côtoie (d’où la fameuse expression : « avoir la réponse à Dock ») pour atteindre son but ultime. Un génie de l’arnaque, donc, qui met son talent au profit de ses basses œuvres sans aucun questionnement moral ; l’auteur réussit à en faire un personnage quasi sympathique auquel on finirait presque par s’attacher malgré ses actions franchement répréhensibles.

C’est peu dire que Seamus Smyth développe dans le roman des mises en scènes très astucieuses et imagine des trouvailles vraiment géniales qui dénotent parmi la multitude de polars fades et répétitifs qui s’offrent au lecteur aujourd’hui. Ici, il ne sera pas question de trouver qui a commis le crime, mais plutôt d’en suivre la parfaite exécution, et d’en comprendre le mobile.

Même si, et si ça ne fait jamais de mal de le rappeler, expliquer, ça n’est pas excuser.

Ajoutons sans trop en dire que le livre traite du passé trouble et non résolu de l’Irlande, et relève des traumatismes de l’enfance, ce qui semble être une constante de mes lectures actuelles. Hey : quand chaque chronique devient une séance de thérapie, tu fais fatalement des économies de psy.

J’apprécie de temps en temps qu’un livre m’embarque, que je n’ai qu’à me laisser porter en mode pilote automatique sans chercher à tout comprendre, parce que je sens que l’auteur sait exactement où il veut m’emmener, ce qui est le cas ici. Naturellement, plus l’intrigue est tordue et sophistiquée, plus l’auteur a de chances de faire des erreurs ou d’être pris en défaut par un lecteur scrupuleux, mais bon, ça gâcherait un peu le truc de chercher la petite bête. Des fois, faut savoir se laisser aller, non ?

Deux avertissements cependant : d’abord, ne lisez pas la quatrième de couv’, qui en raconte beaucoup trop à mon goût (et c’est d’ailleurs un conseil que je donnerais volontiers de manière générale, et pas uniquement à ce bouquin) ; et deuxièmement, si vous êtes un peu sensibles, il y a quelques scènes dont la cruauté pourrait vous retourner l’estomac. Éviter de le lire au petit déjeuner pourrait par exemple être un bon conseil.

Personnellement, je verrais bien une adaptation au ciné par Guy Ritchie. Si jamais il me lit, et que ça le démange, hein, qu’il n’hésite pas … (et d’ailleurs quand Guy lit, paraît que ça le chatouille un peu).

Un livre à lire en attendant l’apocalypse nucléaire; mais tardez pas trop quand même à le commencer …

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Rouge Connemara, Seamus Smyth, 339 p., 2011, Éditions Fayard Noir, trad. Catherine Cheval et Marie Ploux.

Allez l’acheter chez votre libraire du village. Et s’il n’y a plus de librairie, c’est simple : ouvrez-en une.

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