22 curiosités de 2022 que tu vas adorer

Clips, jeux, séries, courts-métrages et films ayant à peine une centaine de notes spectateurs sur Allociné. C’est le programme que je te propose pour cette liste de coups de cœur qui, une fois de plus, célèbre l’année passée. Attention : on va aussi parler de football et d’Argentine.

 

#22 L’enquête de l’année : « The Centennial Case : A Shijima Story » (Kôichirô Itô) Le croisement du 7e et du 10e art me passionne depuis toujours et n’a jamais été aussi intéressant que cette année. On croyait les jeux en FMV (Full Motion Video) morts et enterrés mais voilà que Square Enix nous pond une enquête interactive feuilletonesque d’une dizaine d’heures. Ne vous fiez pas à son titre à rallonge et à sa vignette sépia banale : la malédiction séculaire de la famille Shijima se suit comme une saga inventive et drôle, du début du 20e siècle jusqu’à aujourd’hui. Derrière la caméra, c’est le producteur de The Naked Director sur Netflix et devant on retrouve une brochette de comédiens inspirés qui interprète tous les rôles à chacune des époques. Ça peut donner des nœuds au cerveau et je n’ai pas toujours eu l’inspiration de Sherlock Holmes, mais les énigmes restent accessibles et j’ai trouvé la réflexion autour de la jeunesse éternelle plutôt pertinente. Sur Switch, PlayStation et PC

guerrero

 

#21 L’équipe de l’année : « Contigo Capitán : Laissez jouer Guerrero ! » (Javier Fuentes-León, Daniel Vega Vidal) La star du football péruvien Paolo Guerrero vient de mener son équipe vers une qualification historique à la Coupe du Monde 2018 quand un contrôle positif à la cocaïne anéantit ses espoirs de gloire. Persuadé d’être victime d’un complot, il se bat alors pour être blanchi (hum) avant le début de la compétition. Inspirée de faits réels, cette série manque parfois de nerf mais a le mérite de mettre en lumière le Pérou et son histoire récente, dont nous avions parlé avec son réalisateur. Bizarrement, vous ne la trouverez pas via l’interface en français : pour la visionner, il vous faudra passer la langue d’affichage en anglais ou en espagnol. Sur Netflix

 

#20 Le dilemme sexuel de l’année : « Moral Rules » (Thodoris Vournas) C’est après avoir vu des films comme celui-là que le reste de la production audiovisuelle me semble sur-découpé et sur-scénarisé. Dans Moral Rules, on navigue dans les vies de six étudiants grecs en dernière année dans une école religieuse très stricte. La caméra du metteur en scène Thodoris Vournas se met au diapason de leur bouillonnement intérieur. Cette adaptation de la pièce culte L’éveil du printemps nous met face à notre curiosité érotique, notre peur de l’inconnu et notre propre hypocrisie. Une expérience filmée cruelle et crue que, deux siècles plus tard, l’auteur d’origine n’aurait sûrement pas reniée. Sur Vimeo

Warsha

 

#19 Le vertige de l’année : « Warsha » (Dania Bdeir) Il y a presque un an, ce court-métrage m’avait bluffé par sa grâce et sa beauté. Et depuis, pas vu plus belle ode à la liberté que cette danse en apesanteur sur une grue de chantier. Le film interprété par l’artiste libanais Khansa est toujours visible en ligne et déjà pré-sélectionné pour les prochains César et Oscars. Sur Arte

 

boum boum

#18 La bombe lacrymo et lacrymale de l’année : « Boum Boum » (Laurie Lassalle) Automne 2018 : Laurie rencontre Pierrot. Quelques semaines après, ils manifestent à Paris au début du mouvement des Gilets jaunes. Entre documentaire et autofiction amoureuse, ce film est un mélange de colère et de passion où chacun se retrouvera, intimement ou politiquement. Que reste-t-il de ces combats hebdomadaires ? Une chose est sûre : « la terre a tremblé et nos cœurs aussi. » En VOD gratuite* sur la Médiathèque Numérique

 

light and magic

#17 Le making-of de l’année : « Light & Magic » (Lawrence Kasdan) Drôle d’année pour Disney qui continue de tout miser sur Marvel au cinéma et de cantonner Pixar, Star Wars et même son film de Noël à sa plateforme vidéo. Et c’est pourtant bien en streaming qu’on a vu son contenu le plus grisant : une série documentaire sur l’épisode initial de La Guerre des Étoiles (le IV, donc) raconté par ceux qui l’ont fabriqué. Ou quand George Lucas n’était pas encore Steve Jobs mais plutôt Monsieur Bricolage. Sur Disney+

jungle rouge

 

#16 La révolution de l’année : « Jungle rouge » (Zoltan Horvath, Juan José Lozano) Dans la jungle colombienne, la plus vieille guérilla communiste au monde s’éteint peu à peu. Quand le numéro 2 des FARC est tué en 2008 par l’armée et la CIA, il laisse derrière lui dix ans de messages. Je suis fasciné par les « documenteurs » où se mêlent archives, souvenirs et rêveries. Tout est « presque vrai » dans cette reconstitution animée où l’on croise les acteurs du conflit et qui appelle in fine à la réconciliation. En VOD gratuite* sur la Médiathèque Numérique

 

 

#15 L’IA de l’année : « The Kiss » (Grégory Chatonsky) Vertigo (ou « Sueurs Froides » en VF) n’est peut-être plus le meilleur film de tous les temps mais il sera toujours dans nos processeurs. L’artiste franco-canadien Grégory Chatonsky explore le Web depuis 30 ans et ses récentes variations sur la scène culte d’Alfred Hitchcock viennent ouvrir un peu plus la porte. Et si on injectait tout le scénario du film dans une IA ? Et si la séquence où Kim Novak et James Stewart se roulent une pelle mutait alors pour contenir l’œuvre entière ? Au-delà des nombreuses expérimentations de 2022, on se rend finalement compte que la machine ne pourra jamais créer ce qui n’appartient qu’à l’humanité : un baiser. En ligne

 

toutouyoutou

#14 Les danseuses de l’année : « Toutouyoutou » (David Coujard, Maxime Donzel, Géraldine de Margerie) Femmes des années 80, prêtes à tout pour ne pas désespérer dans leur foyer de Blagnac, près de Toulouse. C’est la série fun et cocasse de l’année, toute en tendresse pour ses personnages. La naissance de l’aérobic (d’où le titre en hommage à Véronique & Davina), la fin de la guerre froide avec son personnage de prof espionne… Toutouyoutou évoque tout ça entre deux échauffements et rappelle furieusement d’autres pépites frenchy telle que 36 15 Monique ou Derby Girl, le tout sur une B.O. de Feu! Chatterton. Sur OCS

 

junk head

#13 Le mindfuck de l’année : « Junk Head » (Takahide Hori) Dans un futur qu’on espère lointain, l’humanité a trouvé la jeunesse éternelle (encore elle) mais a dû devenir stérile. Junk Head part dans les souterrains de la ville à la recherche d’un remède. Inventive, démente, gore… Une œuvre hors norme, initialement fabriquée par un seul homme ! Hori-san avait 38 ans quand il se lança, en parallèle de son travail de décorateur, dans la production en solo d’un film de 30 minutes animé image par image. Au bout de 4 années, il récolta le fruit de son travail et décida de le compléter en long-métrage, avec l’aide cette fois d’une petite équipe. On a le droit de préférer la version courte, plus intense et rythmée, tout comme on salue l’audace d’un cinéaste qui n’a de comptes à rendre à personne et qui a miraculeusement trouvé le chemin de nos salles. En VOD

 

all eyes off me

#12 Les amoureux (é)perdus de l’année : « All Eyes Off Me » (Hadas Ben Aroya) Enfin des scènes de sexe où les personnages ne se rhabillent pas tout de suite après. Nos quatre héros sont tous différents : jeunes, vieux, aventureux, timorés… mais ils sont tous liés sans forcer le trait. En trois chapitres, All Eyes Off Me explore la grossesse quand elle est non désirée, les fantasmes quand ils sont explorés, l’intimité quand elle est enfin partagée. La cinéaste mène son récit avec confiance, sans misérabilisme, et c’est ce qui le rend si touchant. En VOD gratuite* sur la Médiathèque Numérique

 

almar

#11 Le trio de l’année : « Emmène-moi voir la mer » (Marco Antonio Núñez) Ana et Diego partent vivre sur la côte : ils espéraient changer d’air mais ne s’attendaient pas à tomber amoureux de Vincente. Un premier film touchant et fugace (1h18) sur les multiples visages de l’amour. L’histoire se déroule près d’une plage du Chili mais ça pourrait être ailleurs, partout où le flot nous emporte quitte à perdre pied. À déguster à deux, à trois ou plus. Sur Prime Video et en VOD

 

#10 Le clip de l’année : « The Heart Part 5 » (Dave Free, Kendrick Lamar) Sortie surprise accompagnant son album Mr. Morale & the Big Steppers, cette chanson brille aussi par ses images. Kendrick rappe et adopte tour à tour le visage d’autres hommes noirs célèbres des États-Unis. Magie du deepfake, mais surtout une belle manière d’intérioriser les combats des autres : aussi marquant que l’était en son temps le morphing du clip « Black or White » de Michael Jackson. Avec des paroles percutantes qui hantent : As I get a little older, I realize life is perspectiveI said I’d do this for my culture (pour O.J. Simpson) … In the land where hurt people hurt more people / Fuck callin’ it culture (pour Will Smith). Sur YouTube

 

el gerante

#9 Le duo père-fils de l’année : « Le dirigeant » (Ariel Winograd) Cela fait un moment qu’Álvaro n’a plus la gagne : son fils adolescent semble parler une autre langue et son entreprise de téléviseurs le met déjà sur la touche. Tandis que le pays tout entier peine à sortir du marasme, Álvaro a l’idée géniale de rembourser ses écrans plats à ses clients si l’équipe d’Argentine arrive à se qualifier pour le Mondial en Russie. Ou comment une incroyable histoire vraie a galvanisé une population via les réseaux. Une sorte de The Social Network à Buenos Aires avec un cœur gros comme ça. Sur Paramount+

 

dragon de mon père

#8 La poussière dans l’œil de l’année : « Le Dragon de mon père » (Nora Twomey) C’est aussi le mystère de l’année : pourquoi une telle merveille se retrouve-t-elle dans les tréfonds d’un catalogue ? Produit par les Irlandais de Cartoon Saloon à qui l’on doit Le Secret de Kells, et scénarisé par Meg LeFauve (Vice Versa), voici un conte original et plein d’humour qui parle doucement de la peur de grandir des petits et de la charge mentale des grands. Alors assieds-toi avec tes enfants (si t’en as pas, c’est pas grave), va voir Boris le dragon et, si tu n’as pas versé une larme à la fin, la chanson du générique interprétée par ANOHNI s’en chargera. Sur Netflix

 

El Planeta

#7 Le duo mère-fille de l’année : « El Planeta » (Amalia Ulman) Amalia et sa mère sont fauchées mais donnent le change dans une ville en pleine récession du nord de l’Espagne. « Tout sur l’amer » dans cette comédie désabusée où l’artiste Amalia tient le premier rôle aux côtés de sa vraie maman. Un film grinçant où l’on parle prostitution au café du coin avec un humour tout-terrain qui évite l’apitoiement. La reine des imposteuses avait déjà berné son monde sur Instagram il y a quelques années ; ici sa drôle d’autobiographie se pare d’un noir & blanc tragi-comique. Sur Mubi

Le livre de Catherine

 

#6 La jeune fille de l’année : « Le livre de Catherine » (Lena Dunham) Elle est vive, intelligente et futée : en fait, le plus gros problème de Catherine est qu’elle vit au Moyen-Âge et que tout le monde cherche à la caser. Raconté sous la forme d’un journal intime, Catherine called Birdy était le premier roman d’une auteure cinquantenaire. Il trouve ici son adaptation idéale par la réalisatrice de la série Girls. Avec un casting royal où trônent Bella Ramsey (Game of Thrones) et Andrew Scott (Fleabag). Sur Prime Video

 

jour de gloire

#5 L’action en temps réel de l’année : « Jour de gloire » (Cosme Castro, Jeanne Frenkel) Félix a quitté l’Australie pour revenir en France voir son frère. On est le 24 avril 2022, il est 19h : dans une heure, le pays connaîtra son nouveau président (ou présidente) de la République. C’est un tour de force monumental qu’a réussi le duo de cinéastes : un film tourné en direct, sans coupe, et diffusé simultanément en ligne, à la télé et au cinéma. Deux versions du synopsis ont été écrites pour s’adapter aux deux issues possibles du scrutin. C’est ainsi que les comédiens, l’équipe de tournage et nous-mêmes spectateurs ont découvert ensemble la fin de l’histoire. Cette année, le « métacinéma » a secoué les films français ! (voir aussi Coupez! de Michel Hazanavicius et notre interview du distributeur d’Années 20). Sur Arte

 

de plus en plus loin

#4 L’odyssée de l’année : « De plus en plus loin » (Fabien Dao, Hervé-Eric Lengani) Léon et son meilleur ami Ibra sont injustement accusés de vol ; ils doivent quitter le Burkina Faso. Mais quand ils se retrouvent détournés vers la Lybie, Léon décide de revenir chez lui pour se venger de ceux qui ont causé sa perte et le désarroi des siens. Une série puissante et dure qui nous met face au fléau de l’émigration clandestine. Les productions africaines sont assez peu diffusées chez nous et méritent plus d’exposition. Dont acte. Sur Canal+

Qui à part nous

 

#3 Le péril jeune de l’année : « Qui à part nous » (Jonás Trueba) Deux ans après Adolescentes, voici un autre joli documentaire en immersion auprès des jeunes, ces « 2000 » qui entrent au seuil de l’âge adulte. Avec un tournage étalé sur cinq ans, je n’ose pas imaginer la durée totale des rushes. Au final, il fallait bien 3h40 pour suivre cette joyeuse bande espagnole, de soirées en décisions spontanées qui vont changer leur vie. Après Eva en août, le réalisateur signe un nouveau film qui prend son temps pour parler de nous : qui nous avons été et qui l’on sera. En VOD

 

#2 Les larmes de l’année : « How to Save a Dead Friend » (Marusya Syroechkovskaya) Repéré à Cannes, ce documentaire m’a bouleversé. C’est l’histoire de Marusya et Kimi, amoureux inséparables. À 16 ans, la jeune cinéaste Marusya est poursuivie par des pensées suicidaires : qui ne le serait pas dans la Russie d’aujourd’hui ? Elle se filme pour conjurer le mal et, après avoir rencontré Kimi, sa caméra continue d’enregistrer pendant 10 ans leur passion et leur passage à l’âge adulte. Hélas, c’est alors Kimi qui risque de sombrer à son tour. Le témoignage rare d’une jeunesse étouffée par son propre pays. Sur Arte

 

immortality

#1 Le found footage de l’année : « Immortality » (Sam Barlow) Et la voilà, ma pépite 2022, celle qui m’a excité et glacé le sang. Après Her Story et Telling Lies, c’est peu de dire que j’attendais la nouvelle création interactive du studio Half Mermaid. Immortality se présente d’emblée comme un rêve moite de cinéphile : la starlette Marissa Marcel a disparu, laissant derrière elle trois films inachevés. En fouillant parmi les premières séquences à votre disposition (rushes, répétitions, scènes coupées, moments sur le vif…), vous distinguerez un ou plusieurs détails qui retiendront votre attention. En zoomant sur l’un d’eux, vous voici transportés dans une autre séquence, inédite ou déjà révélée. L’absence totale d’aide peut rendre dingo mais c’est justement là qu’Immortality devient sublime : par sa répétition et la surprise qu’elle engendre (le côté « marabout-bout d’ficelle »), l’enquête nous atteint au plus profond. À force de zoomer sur un objet ou un nichon (miss Marcel est française et le jeu plutôt coquin), l’IA se calque sur nos choix et les trois histoires se tournent sous nos yeux : un drame érotique genre Benedetta, un polar 70’s new-yorkais et un thriller pop contemporain. L’air de rien, Sam Barlow concrétise la prophétie de Grégory Chatonsky : voilà des films dans lequel nous pouvons nous déplacer, des vidéos qui sont des espaces mentaux. Et quand on sait que Sam a bossé sur deux jeux de la saga Silent Hill, on devine qu’il ne faut pas trop fouiller l’envers des images. Ou plutôt si : car c’est là que réside l’ultime secret de la création, intangible et intemporelle. Vous n’aurez besoin que de quelques heures et de 12 Go d’espace libre sur votre mobile pour réaliser le film de l’année. Sur Netflix Jeux

 

* La Médiathèque Numérique est une plateforme de streaming offerte avec ton abonnement à ta médiathèque du coin. Tu y trouveras une flopée de films très récents (sortis il y a quelques mois au cinéma).

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