Aperçus en ligne ou en salles, ces films ont marqué mon année. 2021 était bien, 2022 sera mieux ?
S’ils peuvent sembler superflus, les « top 10 Cinéma 2021 » ont plusieurs mérites. Déjà, ils figent une année qui s’est déroulée tant bien que mal, avec une réouverture des salles pas plus tôt que le 19 mai dernier. Ça fait du bien d’avoir un peu de contrôle sur ce temps qui passe, ne serait-ce que pendant un instant fugace (je balance mon flow, t’as vu).
Ensuite, les classements encapsulent des moments trop vite oubliés, ces instants d’étonnement qu’on n’avait pas vu venir et qu’on prend ainsi un malin plaisir à se remémorer. Enfin, ils permettent de flotter un peu sur le stream ininterrompu de « contenu » audiovisuel qui nous est proposé. Entre les « Netflix Originals », les « Amazon Prime Video Exclusive », les « Canal+ Première » … la bonne vieille séance ciné s’est dématérialisée à marche forcée. Lister ses coups de cœur permet de mettre un peu d’ordre dans tout ça !
Selon la « loi des top 10 » (clin d’œil à nos amis de Playlist Society), je considère ici toute œuvre filmique sortie en salles ou disponible directement en ligne entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021. Hélas, cela exclut les excellents films qui nous ont été présentés en avant-première (Las Mejores Familias) ou en festival (For Maria). Force à eux et on espère les retrouver dans notre top 2022 ! Avec cette liste (non ordonnée) de 10 titres et leurs répliques, je vous propose une visite vers des mondes qui en évoquent plein d’autres. Bon voyage et très bonne année à tous.
Ce que nous pouvons faire si nous nous nouons.
C’est furtif : un simple regard caméra, au bout de 10 minutes du documentaire Nous d’Alice Diop. Et aussitôt, on voit ce qui nous échappe d’habitude. Ici, pas de chiffre, pas de statistique : juste un autre être humain. En suivant le RER B, la réalisatrice continue son chemin « vers la tendresse » (c’était le titre de son superbe court-métrage de 2016). À travers le quotidien de ce ferrailleur malien du Bourget et des autres habitants croisés ici, c’est toute la banlieue parisienne qui nous sourit. Comme dans L’Affaire Collective, le documentaire décrypte le réel pour mieux nous rapprocher. Disponible sur arte.tv
À Lourdes, on encense bien une femme qui entend des voix !
Le Bal des Folles n’est pas le film français le plus folichon sorti sur Amazon cette année : Mélanie Laurent préfère visiblement les folles à la loi du LOL (Flashback, Haters, Je te veux, moi non plus). Avec assurance, elle mène son récit pour retracer une part d’Histoire, ces femmes jugées « hystériques » et enfermées contre leur gré dans la France d’avant-guerre. La reconstitution est impeccable avec une interprétation intense de Lou de Laâge ainsi qu’un soin particulier accordé aux décors et à la photographie. À moins que l’Académie ne revienne sur sa décision, il sera dommage de ne pas retrouver tout ce beau monde aux prochains César. Disponible sur Prime Video.
Best days of my life !
Sorti en catimini au début de l’été sous le titre « D’où l’on vient », In The Heights n’a pas débarqué sous les meilleurs auspices. C’est pourtant un film solaire, resplendissant, fait pour emporter. Le réalisateur Jon M. Chu allie sa science de l’action (les suites de G.I. Joe et Insaisissables) aux pirouettes virevoltantes de ses Sexy Dance. Ça donne des séquences bluffantes, tel ce pas de deux sur les murs d’un immeuble, et un hommage vibrant au quartier new-yorkais hispanophone de Washington Heights. Dans une année de renaissance pour la comédie musicale (Annette) et encore plus lorsqu’elle avait des accents latino (West Side Story, Vivo, Encanto), In the Heights a fait figure d’étendard. Disponible en VOD.
It’s time to cut out the cancer.
Malignant sonnait comme une récréation pour James Wan, entre deux Insidious, trois Conjuring et un Fast & Furious. Et bordel, quelle récré ! Ça démarre comme un thriller psychologique sur une femme hantée par ses fausses couches et déjà on peut le rapprocher d’un autre film fou de l’année : Titane de Julia Ducournau. Les deux œuvres ont en commun de foncer pied au plancher sur l’autoroute de leurs idées. Et je ne parle même pas des trente dernières minutes, grand foutoir qu’il faut voir pour le croire. Un délire qui aura fait le délice des fans allés le voir en salles. Sorti au cinéma le 1er septembre.
Chien ? Cochon ? … Pain de mie ? … [Erreur système]
Les Mitchell contre les machines, c’est une famille dysfonctionnelle comme à peu près toutes les familles, sauf que cette fois elle est en lutte avec des écrans envahissants. L’Apocalypse y prend les atours d’un robot-aspirateur qui devient maboul, ou bien d’un smartphone qui nous lobotomise. On en rigole mais on fait moins les malins quand notre Magimix lance une mise à jour système ! Avec Ron débloque, c’est l’autre cartoon de l’année qui questionne notre dépendance à la technologie, et assurément le premier à assumer de bout en bout son esthétique YouTube bigarrée. La séquence avec les Furby restera mon plus gros fou rire animé depuis la « Macarena » d’Hôtel Transylvanie 3 ! Disponible sur Netflix.
It wasn’t just about the music.
Si vous avez déjà regardé le Tonight Show de Jimmy Fallon, vous avez sûrement croisé la coupe afro de Questlove. En tant que batteur du groupe The Roots, l’homme dont le vrai nom est Ahmir Khalib Thomson officie comme directeur musical à la télé depuis plus de 10 ans. Son documentaire Summer of Soul nous fait revivre le festival de Harlem en 1969, qu’on appela le « Woodstock noir ». 300 000 personnes qui viennent applaudir B.B. King, Nina Simone, Stevie Wonder… et on n’en avait jamais entendu parler ? Se demander pourquoi on en est là, c’est déjà faire un bout du chemin. Et dans le genre « exutoire par la musique », cette année on a aussi applaudi Inside, le one-man-show chanté/joué/filmé par Bo Burnham. Exactement comme dans tick tick…BOOM!, on y a suivi l’angoisse existentielle d’un tout nouveau trentenaire qui se demande s’il a quelque chose à dire et le temps pour le chanter. Summer of Soul est disponible sur Disney+.
Ciel sans nuages. Probabilité de pluie : 0%. Humidité : 18%.
En 2021, le Petit Cochon a fureté son groin un peu partout mais s’est vite retrouvé la queue entre les jambes. Fatigués d’être cloîtrés, nos écrans ne bandaient plus trop. On était à deux doigts de laisser le porno prendre le dessus car « lui, au moins, prend le sexe au sérieux », selon la théoricienne Linda Williams. Heureusement, plusieurs films sont venus la contredire : ce furent les bonnes sœurs de Benedetta avec leur éveil sexuel et spirituel. Puis le film roumain Bad Luck Banging or Loony Porn où la sextape de l’héroïne enseignante déclenche une polémique politique. Et aussi, ce Vent Chaud venu du Brésil où le héros Sandro cherche à vivre ses fantasmes entre deux gardes à l’usine et deux matchs de foot. C’était kitsch à fond, fétichiste à souhait et très très explicite. Cela a fait de l’écran (de cinéma, en plus !) un espace où l’attention apportée aux images et aux sons matchait enfin avec le soin de nos désirs. Disponible en VOD.
Pourquoi je suis là ?
Dans Méandre, l’actrice Gaia Weiss parcourt un labyrinthe de métal piégé avec pour seul guide un bracelet « compte à rebours » à son poignet. Spécialement intense, ce Cube de chez nous aurait pu s’appeler Tube. Il sonne surtout le renouveau d’un fantastique à la française qu’il faut soutenir : après Blood Machines l’an dernier, nous avons eu droit en 2021 à Oxygène, La Nuée, Teddy, Titane, The Deep House, Le Dernier Voyage, Comment je suis devenu super-héros… Le début d’une nouvelle vague ? L’avenir nous le dira. Disponible sur OCS.
Sometimes I confuse my dreams with memories.
Comme pas mal de bonnes histoires, celle-ci commence dans un bar. La documentariste Heidi Ewing prend un verre avec Iván, son pote restaurateur. Celui-ci lui révèle qu’il a laissé dans son Mexique natal un fils. Empêché de sortir des États-Unis pour cause de visa, le triste père voit grandir son enfant à distance. Il survit porté par ses amis et son amoureux Gerardo entré comme lui illégalement sur le territoire. Pour raconter son histoire au passé dans la société machiste qui l’a rejeté, la réalisatrice fait pour la première fois appel à des comédiens. Ce qui est ahurissant dans I Carry You with Me, c’est sa justesse de ton portée par l’évocation en creux de toutes ces familles désunies d’ici et d’ailleurs. Ce film est une pépite pleine d’espoir que l’on pourra bientôt, comme un écho, faire suivre par son « cousin » : l’émouvant docu animé Flee. Disponible en VOD.
Time to fly.
Entre la bûche et le digestif, The Matrix Resurrections était le divertissement idéal pour réviser nos basiques et plonger telles des loutres repues dans 2h20 d’audiovisuel dément. Lana Wachowski s’est longtemps demandée comment faire revivre l’univers de Neo et Trinity. Ce nouvel opus nous partage ses craintes et ses doutes pour un résultat « méta » pas trop bêta contrairement à Free Guy, une autre mise en abyme cyber de l’année qui, elle, se noyait dans l’ironie. En conviant ses héros et presque tout le casting de sa série sense8, Lana lance un baroud d’honneur qui dynamite l’héritage matrixien trop messianique et binaire. Il y a quelque chose de fondamentalement émouvant à revoir nos icônes dans des combats parfois perdus d’avance : tel cette lutte contre le temps, qui fait que nos vies ont un sens. Sorti au cinéma le 22 décembre.